Et Simone Veil devint une icône

Nous sommes le mardi 26 novembre 1974. Simone Veil, la ministre de la Santé - une magistrate de 47 ans, encore inconnue des Français -, s'apprête à présenter devant l'Assemblée nationale le projet de loi autorisant sous certaines conditions l'interruption volontaire de grossesse (IVG). Le débat va atteindre un niveau de violence inouï (dont le seul équivalent sera celui sur l'abolition de la peine de mort, en 1981), comme le raconte un passionnant documentaire signé Valérie Manns et Richard Puech, diffusé ce soir sur France 2.Ce débat intervient dans une France en pleine révolution des moeurs au lendemain de 1968. Mais certaines lois sont obsolètes. Depuis 1920, l'avortement est considéré comme un crime. Ce qui oblige 300.000 femmes à avorter clandestinement en France dans des conditions d'hygiène parfois catastrophiques, ou en Grande-Bretagne ou aux Pays-Bas pour les plus aisées.284 voix contre 189Voici donc Simone Veil qui s'avance, voulant mettre un terme à toute cette hypocrisie. Durant vingt-cinq heures au total, elle va affronter 74 orateurs, parfois déchaînés. À l'aide d'images d'archives et d'entretiens, le documentaire nous rappelle la violence des discours. Il faut voir Jean Foyer, ancien garde des Sceaux, attaquer la ministre et sa loi « scélérate ». Il faut observer tous ces messieurs en appeler à la France éternelle pour contester aux femmes le droit de disposer de leur corps. Et l'on atteint l'ignominie quand certains comparent l'avortement aux actes criminels des nazis. Comme ce député de la Manche, qui évoque devant Simone Veil - miraculeuse survivante des camps de la mort où elle avait été déportée parce que juive - les fours crématoires où seraient jetés les foetus. La ministre vacille parfois. Mais elle se relève vite. Elle tient tête et sait se concilier les voix de quelques ténors de droite moyennant des concessions (comme le non-remboursement de l'IVG par la Sécurité sociale). Le texte est finalement voté au petit matin du 29 novembre par 284 voix contre 189. La gauche est venue au secours de la ministre. La légende de Simone Veil, elle, est en route. Jean-Christophe Chanut
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