La Ruhr aussi apprend à vivre sans acier ni charbon

Des touristes à l\'assaut des hauts-fourneaux et sur les pas des mineurs de fond, des expositions d\'art moderne dans des anciennes aciéries, des concerts près des cokeries... La Ruhr a fait le pari de la culture pour maintenir en vie une partie de ses sites industriels, qui cessent peu à peu leur activité. Un pari qui a profité du coup de pouce du statut de capitale européenne de la culture, attribué à la Ruhr en 2010. L\'ancien complexe minier Zollverein, inscrit en 2001 au patrimoine mondial de l\'Unesco, se félicite d\'avoir alors accueilli 2,2 millions de visiteurs, contre 40.000 en 1998. « C\'est encore une niche, mais le tourisme a un potentiel de croissance », souligne Uwe Neumann, professeur à l\'institut d\'études économiques RWI d\'Essen. Une des pistes pour l\'économie régionale, qui cherche depuis maintenant des années à refermer en douceur son histoire charbonnière.Les trois dernières mines actuellement en activité en Allemagne, Auguste Victoria, Ibbenbüren et Prosper-Haniel, toutes situées dans la Ruhr, à l\'ouest du pays, auront fermé d\'ici à 2018. La décision a été prise en 2007 par le Bundestag, avec la fin programmée des subventions qui assurent leur activité - 1,4 milliard d\'euros en provenance de l\'État fédéral et 400 millions du Land de Rhénanie du Nord-Westphalie en 2012. C\'est la fin d\'un siècle d\'exploitation du charbon dans le coeur industriel allemand. La fin d\'une carrière pour les 15.000 employés qui travaillent encore aujourd\'hui dans les trois sites. Dans les années 1950, ils étaient plus de 500.000 à enfiler le casque...Les mineurs sont tous employés par la RAG, la société chargée de l\'exploitation du charbon outre-Rhin. Celle-ci joue un rôle central aujourd\'hui dans le virage post-charbon. C\'est elle qui gère la réduction continue des effectifs, à coup de départs en préretraite et de reconversions, à chaque nouvelle fermeture de mine. « Le processus s\'est fait de façon très négociée, avec une forte coopération, à la différence de la Grande-Bretagne par exemple. Ce qui a empêché les conflits sociaux », explique Rolf Heinze, professeur à l\'institut des sciences sociales de l\'université de Bochum, dans la Ruhr.Les équipements miniers vendus sur InternetC\'est encore la RAG qui, via sa filiale « Mining Solutions », vend aujourd\'hui pièce par pièce les équipements miniers de la région à des exploitants en Chine, en Turquie ou encore en Croatie via un système de ventes aux enchères en ligne, sur le modèle d\'eBay. « Les premières tentatives ont été prometteuses », indique-t-on à la RAG. La société se transforme aussi en prestataire de services, et vend son expertise technique en termes de formation ou de sécurité, notamment en Chine, où elle vient d\'ouvrir un bureau. La filiale a empoché 11 millions d\'euros en 2012, dont la moitié grâce à ces services.Une autre filiale de la RAG administre le parc immobilier minier, ces sites traités et reconvertis pour accueillir par exemple des entreprises de services, ou encore couverts d\'éoliennes ou de panneaux voltaïques.Mais le gros du travail qui attend la RAG à partir de 2019 sera de continuer à drainer ad vitam aeternam les eaux qui dorment dans les souterrains, et qui, incontrôlées, pourraient provoquer des dommages en surface.200 millions d\'euros par an de charges éternellesCette activité très coûteuse, estimée à 200 millions d\'euros par an, fait partie de ces Ewigkeitslasten, ou « charges éternelles », conséquences directes de l\'exploitation minière, avec lesquelles la région doit maintenant compter.Le financement sera en partie assuré par la fondation RAG, spécialement créée par les pouvoirs publics en 2007 pour soulager le porte-monnaie du contribuable. La fondation, qui détient le groupe chimique allemand Evonik à 75 %, compte sur l\'introduction en Bourse de ce dernier pour collecter les capitaux nécessaires. Repoussée plusieurs fois, cette introduction a été finalement lancée à Francfort à la fin d\'avril. Reste la transition économique régionale. Plus de 70% des salariés actifs de la région sont aujourd\'hui employés dans le secteur des services, contre 38 % en 1961. Une reconversion menée par étapes, avec le premier passage de relais des industries lourdes à l\'industrie automobile ou manufacturière, souligne Rolf Heinze. L\'universitaire rappelle à cet égard l\'implantation d\'Opel à Bochum au début des années 1960. Mais l\'usine a récemment annoncé sa fermeture en 2016... alors même que, autre implantation, Nokia a déjà délocalisé son centre de production en Roumanie.« L\'université est aujourd\'hui le premier employeur de Bochum », observe Rolf Heinze, soulignant l\'importance de la création des universités dans les années 1960 dans une région « laborieuse » qui en était dépourvue.Un boom universitaire qui a notamment porté le secteur de la santé, en pointe aujourd\'hui dans la Ruhr, avec un dense réseau de cliniques, centres de recherche et entreprises technologiques. Il est le premier employeur privé de la région, avec près de 10 % des actifs. « Les racines de l\'économie de la santé remontent à la période des mines, avec la création ancienne d\'hôpitaux destinés à soigner les mineurs », explique Leif Grundmann, de MedEcon Ruhr, qui représente ce secteur dans la région.La Ruhr compte également aujourd\'hui sur les secteurs de l\'énergie, de la production mécanique ou encore de la chimie, avec la présence d\'Evonik à Essen. « Mais il ne faut pas se faire d\'illusions, la reconversion est un processus sans fin, prévient Rolf Heinze. Le taux de chômage dans la Ruhr n\'est pas très bon, en règle générale de 2 à 3% supérieur à la moyenne nationale, soit légèrement inférieur à 10% à l\'heure actuelle, mais il atteint les 15% dans certaines zones. »
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