Compétitivité : les salariés d'Air France réclament un soutien de l'Etat

Les administrateurs d\'Air France et d\'Air France-KLM poussent un cri d\'alarme. Dans un courrier envoyé en juin au premier ministre sur le thème de la compétitivité et rendu public ce mardi, ils demandent un plan de soutien du gouvernement au transport aérien français, lequel traverse une « crise d\'une gravité exceptionnelle » et « qui a pour conséquence de plonger Air France dans de graves difficultés économiques, financières et sociales ». Interrogé par La Tribune, Bernard Pedamon, administrateur pilote chez Air France-KLM, explique que « le plan de restructuration Transform -même avec une nouvelle couche de mesures qui sera annoncée prochainement pour redresser les activités cargo et moyen-courriers- sera insuffisant pour nous placer au meilleur niveau de compétitivité de nos concurrents, car le coût du travail est plus élevé». Et d\'ajouter : « Nous avons bien conscience que l\'essentiel des efforts doit être réalisé en interne, nous demandons seulement un coup de pouce du gouvernement ». Rappelant les propos du ministre des transports Frédéric Cuvillier en février sur le thème de la compétitivité du transport aérien français, les administrateurs demandent un plan industriel global pour le secteur. Les augmentations de la taxe Chirac sur les billets d\'avions (pour contribuer à l\'aide des pays en développement) qu\'Air France-KLM est quasiment la seule à payer ou l\'hypothèse d\'une nouvelle taxe sur les billets pour financer le projet CDG Express ne sont néanmoins pas de bonne augure. Plus de droits de trafic pour les compagnies du GolfeParmi les différentes recommandations des administrateurs, la première concerne l\'attribution des droits de trafic (autorisations de vols) aux compagnies du Golfe, comme Emirates, Etihad Airways ou Qatar Airways. « De 2005 à 2010, les compagnies du Golfe ont gagné cinq points de parts de marché pour les liaisons entre l\'Europe et l\'Asie, l\'Afrique et le Moyen-Orient quand les compagnies européennes en perdaient cinq. Le transfert des unes aux autres est ici manifeste. Chaque fois que des droits de trafic supplémentaires sont accordés à ces compagnies il en résulte une perte d\'activité et des emplois correspondants en Europe. Non seulement ces compagnies bénéficient d\'un niveau de taxes, d\'impôts et de coûts d\'exploitation incomparablement plus faibles que les nôtres mais, en outre, elles sont basées dans des pays qui n\'ont rien à offrir en échange, faute de marché intérieur comparable au nôtre. De plus les distorsions de concurrence sont flagrantes s\'agissant des conditions d\'accès au crédit et au mode de financement des avions ». Aussi, comme l\'ont déjà indiqué les dirigeants de la compagnie, les administrateurs d\'Air France et d\'Air France-KLM demandent au gouvernement de « geler toute nouvelle attribution de droits de trafic jusqu\'à ce qu\'une concurrence plus équitable soit enfin établie ». Avec les discussions pour vendre le Rafale de Dassault au Qatar ou dans les Emirats arabes unis, la demande risque néanmoins d\'être vaine. Allègement des chargesPar ailleurs, les administrateurs demandent un allègement du coût du travail. « Même en étant aussi productif que les salariés des autres grandes compagnies européennes, « des différences substantielles de coûts salariaux persisteront. Ces différences résultent du poids des charges sociales patronales et des taxes diverses pesant sur le transport aérien », font valoir  les administrateurs. Ces derniers expliquent que « la masse salariale d\'Air France (5,3 milliards d\'euros) représente 32,4% de son chiffre d\'affaires quand celle du Groupe KLM représente environ 28%, celle du Groupe IAG (British Airways-Iberia) 24% et celle du Groupe Lufthansa 23,4% ». Un écart qui s\'explique certes, par la différence du coût du travail mais aussi par une productivité d\'Air France inférieure à celle de ses concurrentes, précise Bernard Pédamon. Selon lui, « les aides que recevra Air France dans le cadre du crédit d\'impôt compétitivité (environ  40 millions d\'euros en 2013 et 70 millions d\'euros en 2014) constituent certes un premier pas dans la bonne direction mais restent largement insuffisantes ».La concurrence des low-costLe courrier met  également en avant les déséquilibres sur le réseau moyen-courrier, et notamment la concurrence des compagnies à bas coûts « dont les sièges sociaux sont installés dans les pays les plus accommodants d\'Europe en matière de fiscalité et de charges sociales et qui pour certaines d\'entre elles exploitent sur le territoire français des avions sans acquitter aucune charge (…) Ce n\'est d\'ailleurs pas une surprise de constater que les compagnies à bas coûts les plus efficaces sont irlandaises ou anglaises mais qu\'aucune d\'entre elles n\'est française ce qui prive notre pays de ces emplois». Sur ce sujet, une personnalité du transport aérien français donne son point de vue sous couvert de l\'anonymat : « Il y avait une vraie low-cost en France. C\'est Aéris, mais Air France s\'est acharnée sur elle avec Easyjet (au lieu de lutter contre celle-ci) il y a une dizaine d\'années ». Les administrateurs salariés d\'Air France demandent une « réduction du poids des prélèvements de toute nature pesant sur le transport aérien » en recommandant notamment une extension des mesures prises dans la marine marchande. Baisser les redevances perçues par Aéroports de ParisEnfin, le courrier pointe la rentabilité d\'Aéroports de Paris et demande une baisse des redevances aéroportuaires. « ADP est en situation de monopole et les compagnies aériennes sont des clients captifs. L\'Etat français y trouve son compte puisque d\'un côté il valide les schémas d\'augmentation des redevances comme régulateur et que de l\'autre il encaisse les dividendes versés par ADP qui aura distribué en 2012 60% de son résultat net, un taux de distribution particulièrement élevé. Ainsi, avec 54,5% du capital d\'ADP, l\'Etat français aura reçu plus de 110 millions d\'euros au titre des dividendes de 2012 ; il bénéficie d\'une véritable rente de situation. Certes les relations entre le Groupe Air France et Aéroports de Paris se sont améliorées et il faut s\'en féliciter ; il n\'en est pas moins vrai que ces chiffres traduisent une réalité : le partage de la richesse créé, de la valeur ajoutée n\'est pas équitable ; il n\'est pas réparti de manière satisfaisante entre les deux sociétés et la seule conclusion est que les redevances aéroportuaires sont trop élevées. Il faut nécessairement aller vers un rééquilibrage des politiques publiques en faveur des compagnies aériennes, par un allègement des redevances aéroportuaires qui ont beaucoup augmenté ces dix dernières années ainsi que des taxes de sûreté et des redevances de navigation aérienne. Cette décision est du ressort exclusif des pouvoirs publics ». Comme pour les droits de trafic, cette demande risque de ne pas avoir beaucoup de portée.
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