« L'Agence nationale a changé le visage de la recherche française »

L'Agence nationale de la Recherche fête aujourd'hui ses cinq ans. Quel bilan tirez-vous ?L'ANR joue clairement un rôle clé depuis cinq ans et a fait émerger un nouveau visage de la recherche française inspiré des exemples allemand et anglo-saxon. A savoir une recherche plus orientée sur les projets, plus axée sur la recherche partenariale public-privée (26 % des projets financés par l'ANR impliquent au moins une entreprise et 20 % sont labellisés par des pôles de compétitivité), plus compétitive sur la scène internationale et qui donne la priorité à l'insertion professionnelle des jeunes chercheurs. Donc c'est un changement de système, mais aussi des thématiques traitées : l'accent a été mis sur la biodiversité, les biotechnologies, les nanotechnologies, l'énergie et la santé. N'oublions pas que tout cela répond aux demandes exprimés lors des Etats généraux de la recherche de 2004. En cinq ans, ce sont en tout 3 milliards d'euros qui ont été ainsi octroyés en plus des crédits récurrents de la recherche, soit plus de 6.000 projets et 16.000 équipes financés.Mais depuis sa création, l'ANR et son mode de financement sur projets restent critiqués par une partie de la communauté scientifique qui dénonce un pilotage de la recherche...Au contraire, depuis trois ans, j'ai donné toutes les garanties pour asseoir sa légitimité. Quand des consensus larges se dégagent sur des questions telles que les énergies renouvelables ou les maladies neurodégénératives, l'Etat est légitime pour choisir un certain nombre de priorités de recherche. Sans cela, le risque est grand de rater des virages, comme nous l'avons fait avec les biotechnologies. L'ANR doit fournir une nouvelle impulsion en décloisonnant les disciplines mais aussi en s'adressant directement aux laboratoires, en passant outre les lourdeurs administratives. Par ailleurs, nous avons arrêté les priorités nationales à l'issue d'un processus inédit, la stratégie nationale de recherche et d'innovation (SNRI), qui a associé chercheurs, entreprises, associations et ONG. Nous avons aussi, et c'est très important, augmenté de 25 % à 50 % la part des programmes dits « blancs », c'est-à-dire non thématiques.Mais ne reste-t-elle pas en dépit de ces garanties une sorte de « bras arm頻 de l'Etat ?Non, car nous avons fait évoluer son fonctionnement afin de faire plus confiance aux chercheurs et de rendre l'ANR la moins administrative possible Par exemple, nous avons supprimé les rapports semestriels et obtenu que les appels à projet aient lieu en septembre, et non plus en janvier, afin que les crédits soient versés en début d'année et non plus en fin d'exercice. Nous avons aussi régulièrement augmenté le montant moyen (483.000 euros en 2008 contre 369.000 en 2005) et la durée moyenne des projets (37 mois), sachant que certains peuvent désormais être reconduits. A noter aussi que l'ANR augmente régulièrement la part des coûts fixes des laboratoires qu'elle prend en charge : en 2011 cette part sera de 20 %, contre 11 % auparavant. Enfin, l'ANR permet aux universités de devenir des opérateurs de recherche à part entière puisque un quart de ses financements bénéficient aux laboratoires universitaires.De nouvelles évolutions sont-elles nécessaires ?Tout d'abord ? et cela vise aussi à renforcer sa légitimité ?, la création d'alliances thématiques entre organismes de recherche (sciences du vivant, énergie, informatique, environnement) doit permettre aux chercheurs d'identifier eux-mêmes de nouvelles priorités afin d'alimenter la programmation de l'ANR. Arrivée à maturité, l'ANR va aussi pouvoir devenir une agence de financement intégrée en reprenant d'ici à 2012 la gestion des crédits qu'elle avait déléguée aux organismes. Pour l'heure, ceux-ci facturent des frais de gestion aux laboratoires. A l'avenir, les crédits seront directement versés aux laboratoires, ce qui simplifiera la gestion administrative et raccourcira les délais de paiement. Elle va aussi devoir élargir encore plus ses panels d'experts que nous l'avons déjà fait (aujourd'hui 35 % de ses 4.000 experts sont étrangers, contre 20 % dans les agences allemandes ou britanniques). Enfin et surtout, l'ANR jouera un rôle de maître-d'oeuvre pour les investissements d'avenir financés par le grand emprunt. Quel va précisément être le rôle de l'ANR dans le cadre du grand emprunt ?La qualité du travail de l'ANR m'a conduite à demander au Premier ministre qu'il n'y ait pas d'autre agence qui soit dépositaire des crédits du grand emprunt ayant trait à la recherche. L'ANR interviendra pour l'organisation des jurys internationaux qui sélectionneront les projets et portera donc, en liaison avec mon ministère et le commissariat général à l'investissement, 15 milliards d'euros des 22 milliards d'investissements d'avenir consacrés à l'enseignement supérieur et à la recherche. Ce rôle central va d'ailleurs permettre de favoriser encore plus les partenariats publics privés. Propos recueillis par Clarisse Jay C'est Eva Pebay-Peroula, membre du conseil d'administration de l'ANR, professeur à Grenoble 1 et directrice de l'Institut de biologie structurale (CEA-CNRS) qui doit prochainement être nommée à la tête de l'agence en remplacement de Jacques Stern, qui a rejoint en avril le cabinet de Valérie Pécresse.
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