De Washington à Bruxelles, chasse ouverte aux spéculateurs

Enquête du ministère américain de la Justice sur les hedge funds accusés d'avoir spéculé contre l'euro au plus fort de la crise grecque ; réunion à Bruxelles visant à mieux contrôler le complexe marché des dérivés de crédit (CDS) ; volonté de la banque centrale américaine, la Fed, de faire la lumière sur le rôle de Goldman Sachs dans les malheurs d'Athènes ; dépôt au Congrès américain du projet de réforme Volcker pour limiter la spéculation bancaire : les initiatives ont fleuri ces derniers jours pour tenter de reprendre le contrôle de marchés toujours aussi débridés.Des banques « dangereuses »Pour une fois, les États-Unis ne sont pas en reste, en tout cas verbalement. Le président de la Fed de Dallas, Richard Fisher, qui se présente comme un « avocat acharné de l'économie de march頻, a fait trembler Wall Street mercredi en déclarant que les plus grandes banques sont « dangereuses » et qu'elles doivent être « cassées ». « Étant donné les risques que ces institutions présentent de propager des virus débilitants à tout le monde financier, ma préférence va à une approche plus prophylactique » que celle en discussion au Congrès américain, visant à donner à l'État les moyens de saisir les entreprises financières les plus grosses qui seraient en difficulté pour les démanteler dans le calme, a-t-il déclaré dans un discours prononcé à New York.Casser les grandes banques ? La parole est aujourd'hui aux parlementaires américains. Ils ont en main, depuis mercredi dernier, le texte inspiré par un compatriote de Richard Fischer, l'ancien patron de la Fed, Paul Volcker, visant à cloisonner les activités bancaires. La règle Volker au Congrès Aux termes du projet de loi, les régulateurs fédéraux concernés devront « empêcher ensemble » les organisations collectant des dépôts (garantis par l'État) ou les sociétés contrôlant de telles institutions ou considérées comme un holding bancaire de réaliser du trading « pour compte propre ». C'est-à-dire « d'acheter ou de vendre des actions, obligations, options, matières premières, produits dérivés ou autres instruments financiers pour le compte de l'institution ou du propre carnet d'ordres de l'entreprise ». Ces mêmes banques commerciales se verraient également interdire par les mêmes régulateurs de gérer des hedge funds ou des sociétés de capital-investissement, et d'« investir » dans des organismes de ce genre.Le deuxième volet du projet consiste à empêcher les plus grandes sociétés financières de croître en dehors de toute proportion sur le sol américain. Il contrecarre notamment toute nouvelle acquisition dans le secteur dont le résultat déboucherait sur une entité représentant plus de 10 % de l'ensemble du passif de toutes les sociétés financières présentes dans le pays. Avec une exception de taille pour toute acquisition « d'une ou plusieurs banques en faillite ou en danger de faillite ».Risque de délocalisationPaul Volcker estime que son projet de limitation des activités de spéculation ne devrait concerner qu'une dizaine de très grandes sociétés. Selon Richard Fisher, la part des dix plus grandes banques américaines dans le total des actifs du secteur bancaire du pays est passée de 25 % en 1990 à 60 % en 2009, ce qui en dit long sur le degré de concentration du secteur. Mais le risque de cette réforme est de voir les établissements concernés sortir leurs activités les plus spéculatives du champ de la régulation. Voire même de les délocaliser. Selon le projet de loi, les banques auraient deux ans et non pas cinq pour mettre cette ambitieuse réforme en oeuvre. Pour autant, le texte induit certaines exemptions : les activités de « teneur de march頻 n'entreraient pas en compte dans la limitation du trading pour compte propre.Pour autant, la principale difficulté d'application de la règle Volcker sera de tracer la frontière entre les activités que les banques exercent pour elles-mêmes, pour le compte de leurs clients ou pour assurer l'animation du marché. Compte propre ou compte de tiers« Si vous décidez d'imposer la règle Volcker, je pense qu'il sera difficile de le faire sur une base purement législative, à cause des conséquences non voulues que cela pourrait avoir », a récemment commenté Ben Bernanke, l'actuel président de la Fed. « Si vous voulez aller dans cette direction, vous devriez au moins autoriser que les régulateurs aient un rôle à jouer pour déterminer » ce qui est du domaine de l'activité spéculative pour compte propre et ce qui ressort de la spéculation pour le compte de tiers, a-t-il ajouté, notant que la frontière entre les deux pouvait être floue.Les spéculateurs ont encore de beaux jours devant eux.
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