L'Occident dans la compétition multipolaire, ou la nécessité d'« écologiser »

Depuis le début du basculement géopolitique, le début de la vraie émergence de la Chine fondée sur le contrôle politique et la libération des énergies, nous, Occidentaux, avons passé beaucoup de temps à rêvasser à une communauté internationale, à l'économie globale de marché, à la fin de l'histoire, à toutes sortes de songes sympathiques mais peu opérants. Nous avons mis un certain temps à mesurer que le monde multipolaire est une compétition multipolaire qui peut tourner à la bagarre multipolaire pour des raisons de pénurie, qui peut aussi tourner à la coopération.Pour moi, le fait majeur est que les Occidentaux ont perdu le monopole qu'ils ont exercé dans l'histoire du monde durant quatre ou cinq siècles si l'on additionne l'histoire des Européens et des Américains. C'est sans précédent ! Nous ne sommes qu'au début du commencement des conséquences économiques, stratégiques, philosophiques, conceptuelles, des conséquences sur les normes, sur les priorités, sur les valeurs, sur la capacité à fixer l'agenda.En ce qui concerne l'Europe, je pense que la priorité serait l'instauration d'un vrai débat franco-allemand. Il est évident que nous devons reconstituer une entente suffisante pour arbitrer entre la politique d'austérité stricte conçue par l'Allemagne, qui donne l'impression que la zone euro n'est qu'une zone purement disciplinaire, sans vision d'avenir. Il faut absolument arbitrer entre cette position et les arguments relayés par Barack Obama avant le G20, arguments repris d'ailleurs par beaucoup d'économistes, y compris en Allemagne. Quelle serait la combinaison qui montrerait que l'Europe doit effectivement passer par une phase d'austérité avant de retrouver une croissance saine ? Et comment la trouver sans la volonté politique d'y parvenir ? Elle est actuellement insuffisante, le cadre n'est pas assez dessiné puisqu'il y a en plus un désaccord France-Allemagne sur ce que peut être la gouvernance économique de la zone euro, élément qui serait fondamental pour reconstituer un effet de levier.Pour moi, il y a une seule réponse possible à toutes les questions posées sur la nouvelle croissance, elle est très simple. C'est l'écologisation de tout. À cause de la crise, on a régressé de plusieurs crans et on repense la situation en termes de contraintes. À mon avis, le moteur de la croissance en Europe pour les vingt prochaines années réside dans cette écologisation. Et tout ce qui se dit sur les politiques industrielles, le volontarisme, l'innovation, la formation... n'est raccordé qu'à ce principe. On ne va jamais, en Europe, inventer une croissance du même ordre que celle des pays émergents qui concerne des pays démunis de tout et dont les taux de croissance sont de l'ordre, 8, 10, 12 %. L'Europe n'atteindra plus jamais ce type de taux. La seule croissance durable consisterait à regrouper tous les éléments concernant ce que l'on appelle l'écologisation, à enlever dans les textes ce qui donne l'impression que c'est une contrainte, ou une gêne, et à bien montrer que c'est le moteur, l'investissement. C'est dans ce domaine qu'il faut faire un bond en matière d'innovation. Si nous ne le faisons pas, ce sont les pays émergents qui s'en chargeront. Des pays comme la Chine vont nous stupéfier en matière d'écologie parce qu'ils vont enjamber deux ou trois générations d'un système industriel périmé. Cette écologisation doit rester absolument notre priorité. C'est à travers elle, y compris d'ailleurs par le biais du grand emprunt, que l'Europe peut se reprojeter comme un continent de demain et d'après-demain, qui ne retrouvera jamais sa situation dominatrice et colonisatrice, mais qui sera au moins un pôle du monde multipolaire et pas simplement un protectorat sino-américain.Point de vue
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