Vous avez dit "tournant de la rigueur" ?

Il est de bon ton d\'afficher un sourire entendu, du genre\" pas dupe\", quand le gouvernement nie l\'existence de tout changement dans sa politique économique, entre son arrivée aux affaires et les premières annonces concernant sa politique budgétaire. « Il n\'y a pas de tournant de la rigueur » a répété ce matin le ministre de l\'Economie, Pierre Moscovici, sur BFM, après Jean-Marc Ayrault. Pourtant, les Français sont bel et bien convaincus du contraire: 68% pensent qu\'un tournant a eu lieu, selon un sondage Tilder/LCI/Opinionway.Evidemment, entre la communication pré-législatives, plutôt souriante, sur la majoration de l\'allocation de rentrée scolaire, le retour à la retraite à 60 ans pour les carrières longues, ou la limitation des rémunérations exorbitantes des patrons, et les annonces budgétaires post-législatives, le contraste est saisissant.Mais le tournant va-t-il au-delà de ce changement de communication ? Si virage il y a eu, cela suppose que François Hollande ait envisagé et défendu, pendant sa campagne, une politique économique, et qu\'une fois parvenu au pouvoir, il en conduise une autre.3% de déficit en 2013, un engagement déterminantEst-ce le cas ? Avant même d\'avoir été désigné par les sympathisants socialistes comme le candidat du PS à la magistrature suprême, dès l\'été 2011, François Hollande avait décidé d\'assumer une réduction à un rythme rapide des déficits publics, s\'engageant sur le retour à 3% du PIB en 2013. Ce seul choix est évidemment déterminant. Dès la fin du mois de janvier, lors de la présentation de son programme, le candidat Hollande a présenté la voie qu\'il avait choisie pour diminuer les déficits : 29 milliards d\'euros de prélèvements obligatoires en plus, via la remise en cause de niches fiscales ou de dispositifs particuliers.Un chiffrage détaillé de ces 29 milliards était alors communiqué à la presse. S\'agissant des dépenses publiques, le candidat Hollande promettait de ramener leur progression globale à 1,1% par an. Et s\'il s\'engageait à recruter 60.000 fonctionnaires dans l\'Education nationale, ainsi que 5.000 dans la police et la justice, c\'était tout en maintenant globalement stables les effectifs des fonctionnaires d\'Etat.Le projet Hollande respecté à la lettre, s\'agissant des fonctionnairesQu\'en est-il, aujourd\'hui, alors que l\'équipe Hollande entre dans le concret ?Si l\'on prend l\'exemple des fonctionnaires, ce qui est programmé aujourd\'hui correspond exactement à ce qui avait été dit et répété pendant la campagne électorale. Pourquoi, alors, ces titres de journaux, sur « H comme Hollande », un candidat qui, une fois élu, et contrairement à ce qu\'il avait dit, serait prêt à manier la hache dans la fonction publique ?Bien sûr, le candidat PS n\'avait pas annoncé précisément toutes les conséquences de son schéma : la forte réduction du nombre de fonctionnaires (-2,5% chaque année) dans les ministères non prioritaires. Mais qui lui a posé la question pendant la campagne? Et un calcul rapide, sur la base du projet Hollande, permettrait d\'aboutir à ce chiffre. En l\'occurrence, le nouveau président n\'a surpris que ceux qui voulaient se laisser surprendre...Le discours des proches de Hollande a entretenu l\'ambiguïtéQuant aux dépenses, y a-t-il eu tromperie ? Ramener à 1,1% l\'an la progression de l\'ensemble des dépenses publiques (contre une hausse moyenne de 2% sur les 20 dernières années), comme les proches de François Hollande l\'ont répété depuis fin janvier, supposait déjà une politique rigoureuse. Cela a été dit, mais peu entendu : il était de bon ton, pendant la campagne, de souligner le contraste entre un Sarkozy prêt à couper dans les dépenses, et un Hollande misant tout sur les hausses d\'impôt.Evidemment, les termes choisis par l\'équipe Hollande, qui ne parlaient pas d\'économies mais d\'une simple « maîtrise », ont pu entretenir ce sentiment. Pour contenir la hausse globale de la dépense publique à 1,1% par an, comme annoncé, il fallait, en tout état de cause, geler les crédits de l\'Etat, en raison de la hausse constantes des dépenses de sécurité sociale (retraite, maladie...), comme l\'a annoncé Matignon, provoquant une réaction de surprise. Finalement, le gouvernement a retenu une norme un peu plus rigoureuse, envisageant pour la période 2013-2017 une progression limitée à 0,8% l\'an. L\'écart représente un peu plus que l\'épaisseur du trait. C\'est une inflexion, liée à la révision à la baisse des perspectives de croissance. Un tournant, vraiment ?Enfin, s\'agissant des impôts destinés à diminuer le déficit, ils seront bel et bien accrus de 29 milliards sur la période 2012-2013, comme cela a été dit fin janvier. Les hausses annoncées ce mercredi, qui seront votées à compter du 16 juillet, représenteront 7,2 milliards en 2012, mais leur rendement atteindra 13 milliards, en 2013, en année pleine. Le gouvernement prévoit d\'ajouter une quinzaine de milliards supplémentaires dans le projet de loi de finances pour 2013... 
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.