Sweet bureauOn les observe et on se moque gentiment d'eux. Les angoissés de la pandémie (qu'on attend toujours) sont terrorisés. Ils s'éloignent des autres, fuient la machine à café et les contacts rapprochés. Ils prennent l'escalier plutôt que l'ascenseur. Sept étages plusieurs fois par jour ne leur font pas peur. Ils ont ralenti leur consommation de cigarettes. Ou peut-être en fument-ils deux à chaque descente au fumoir-trottoir ?Ils ont été les premiers à constituer un stock de masques. Dans leur tiroir bien verrouillé, ils ont de quoi résister une semaine à une attaque du virus H1N1. Ils sont devenus des obsédés du lavage des mains. Dossier récupéré de mains douteuses, fenêtre à ouvrir ou à fermer, tissu frôlé, poignée de porte suspecte, chaise possiblement infectée? Tout est bon pour s'envoyer une bonne dose de solution hydroalcoolique. Ils sont toujours à se frotter les mains. Ça les rassure, ça nous amuse.un cas de grippeQuand on a appris qu'il y avait un cas de grippe au service informatique, on les a vus s'affoler. On s'est dit qu'ils allaient somatiser et tomber comme des mouches. Non, ils ont tenu le coup et ouvert le bal masqué. La première fois qu'on les a vus le visage couvert, c'était pour la réunion du lundi. La salle de réunion est une pièce aveugle sans aération, un nid douillet pour les microbes et les virus. Ils sont arrivés masqués et le sont restés toute la journée. Ces yeux qui nous scrutaient semblaient nous reprocher notre légèreté, notre inconscience. Ça met mal à l'aise d'avoir des yeux comme voisins. Pour un peu, on se sentirait patraque. Les masqués ont pris leur tour de parole et c'est là que ça s'est gâté. On n'a rien compris à ce qu'ils disaient. Pour certains d'entre eux, ça ne nous a pas changés du charabia habituel mais, pour les autres, on répétait leurs phrases pour être sûrs d'avoir bien compris. La réunion n'en finissait pas. On n'a jamais su qui avait toussé le premier, mais cette quinte a fait fuir tout le monde. Les protégés ont joué des coudes pour sortir les premiers. Les derniers ont parié sur les tenues du prochain bal : charlottes, gants et combinaisons à capuche. n

latribune.fr

06 Nov 2009, 1:50

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