« Le régime de Ben Ali n'est pas menacé »

STRONG>Pierre Vermeren Maître de conférence en histoire du Maghreb contemporain (Université Paris 1)Comment expliquez-vous les troubles sociaux inédits qui agitent la Tunisie depuis trois semaines ?Il y a eu des précédents, notamment des émeutes de la faim à l'époque de l'ancien président Habib Bourguiba. Mais il est exact que l'ampleur de cette mobilisation a pris tout le monde au dépourvu dans une société hyper contrôlée. Ce mouvement social correspond à l'accumulation de nombreuses frustrations. La première est liée à la crise économique. La Tunisie est une économie extravertie dépendant du tourisme, de l'exportation des phosphates ou encore des transferts financiers des émigrés. Des secteurs qui ont été particulièrement affectés par la crise. Le second aspect du ras-le-bol actuel est lié à l'absence de perspectives politiques. Au pouvoir depuis 1987, Ben Ali en est à son cinquième mandat et songe à se présenter de nouveau. Enfin, les oppositions sont quasiment inexistantes en Tunisie. Les syndicats sont sous le contrôle du pouvoir, les islamistes en prison et les opposants souvent en exil. Le miracle économique tunisien serait donc un mirage ? La croissance est concentrée à Tunis qui est un peu la vitrine du pouvoir. La Tunisie est une société très opaque. Dès qu'un homme d'affaires monte une belle entreprise, elle est rachetée par la famille ou les amis du président. Ce mouvement social menace-t-il le pouvoir ? Difficile d'imaginer qu'il puisse faire tâche d'huile car il faudrait des organisations politiques qui n'existent pas pour le structurer. Le régime de Ben Ali ne me semble pas menacé. L'Algérie est à son tour secouée par des émeutes. Peut-on faire un parallèle ? L'absence de débouchés pour la jeunesse ou de perspectives économiques, l'émigration difficile y sont similaires... Ce sentiment d'humiliation (« hogra ») dont parlent les Algériens. Il y a tout de même une différence : en Algérie, les hydrocarbures génèrent des revenus colossaux, que s'accapare l'élite au pouvoir. Propos recueillis par Xavier Harel
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