Il ne faut pas se tromper de débat sur la solidarité entre actifs et retraités

Le Conseil d\'Orientation des Retraites (COR) a présenté en décembre ses nouvelles perspectives financières pour les régimes de retraite. Comme on pouvait s\'y attendre, celles-ci restent négatives avec pour l\'ensemble du système un déficit projeté pour 2020 de l\'ordre de 1 point de PIB, quelques soient les hypothèses économiques de chômage et de croissance. A plus long terme, les résultats dépendent beaucoup plus des hypothèses économiques. Avec une croissance de la productivité du travail de 1,8% par an à long terme et un taux de chômage stabilisé à 4,5 %, le déficit reviendrait à 0,5 point de PIB en 2040 et il pourrait même se transformer en léger excédent en 2060. Par contre, si la croissance de la productivité était réduite à 1,3 % par an et le taux de chômage stabilisé à 7%, le déficit atteindrait respectivement 1,7 et 1,5 % en 2040 et 2060.Commentaires fatalistesCes perspectives n\'ont pas manqué d\'entraîner une série de commentaires fatalistes : malgré les réformes successives et le recul de l\'âge de la retraite, le système de retraites semble, par un processus qui n\'est pas sans rappeler le tonneau des Danaïdes, impossible à financer durablement. Cette idée est en réalité assez fausse. Il suffit pour s\'en convaincre de comparer les dernières perspectives du COR à celles qu\'il avait présentées en 2010 juste après le déclenchement de la crise, mais avant les décisions relatives au report de l\'âge légal de la retraite de 60 à 62 ans (et ramené ensuite à 60 ans pour les \"carrières longues\").Léger excédentDans les perspectives 2010, le solde technique de la Caisse Nationale d\'Assurance Vieillesse CNAV était projeté en 2020 dans une fourchette comprise entre -0,5 et -0,8 point de PIB. L\'actualisation 2012 de ces perspectives conduit maintenant à la prévision d\'un léger excédent de 0,1 point de PIB. En 2010, le déficit technique projeté pour 2050 était compris entre -1,2 et -1,7 point de PIB ; la fourchette est maintenant de -0,2 à -0,9 point pour le même jeu d\'hypothèses économiques. (Il n\'est malheureusement pas possible de comparer les perspectives du COR pour l\'ensemble des régimes du fait d\'un changement de base des calculs relatifs à la fonction publique. La CNAV, qui couvre l\'ensemble des salariés du secteur privé, est toutefois le principal régime de retraite et est, à ce titre, représentatif des évolutions des estimations financières pour l\'ensemble du système).Les perspectives du système de retraite sont meilleures en 2012 qu\'en 2010Ainsi, les perspectives du système de retraite sont en réalité meilleures en 2012 qu\'en 2010. Les évaluations au-delà de 2040 font même apparaître pour la première fois la possibilité d\'excédents. Cette amélioration structurelle des perspectives financières des régimes de retraite résulte de deux facteurs principaux. Le premier est la bonne tenue de la démographie. Malgré la prolongation de l\'allongement de l\'espérance de vie le poids des seniors n\'est pas plus important à long terme que dans les projections antérieures du fait de la croissance de la population jeune liée aux taux de fécondité qui reste élevé (2 enfants par femme). Ce point distingue nettement la France de l\'Allemagne qui est, elle, confrontée à une dégradation beaucoup plus marquée de ses ratios démographiques.Pendant la crise, l\'emploi des seniors a été nettement plus préservé que celui des jeunesLe second facteur est l\'allongement structurel de vie active induite par les réformes successives qui ont étendu les durées requises pour obtenir une retraite à taux plein puis repoussé l\'âge minimal d\'ouverture des droits. On pouvait craindre que le durcissement des conditions pour obtenir une retraite bute sur la difficulté de maintenir les seniors en emploi. Pourtant, pendant la crise, l\'emploi des seniors a été nettement plus préservé que celui des jeunes. Ainsi entre 2008 et 2011, le taux d\'emploi des 55-60 ans a augmenté de 7,7 points et celui des 60-64 ans de 2,6 points. Pourvu que la crise se termine, ce qui est loin d\'être acquis, l\'incertitude sur la possibilité de faire travailler les seniors plus longtemps est donc en partie levée.Si l\'on ne réussit pas à trouver rapidement le chemin de sortie de la crise, il est alors justifié d\'être préoccupé par le financement des retraitesPourquoi, sur ce fond de bonnes perspectives démographiques à long terme et de réformes efficaces, s\'inquiéter encore pour le système de retraite? La première raison est évidemment qu\'à court terme, les finances des régimes sont soumises à la pression de la conjoncture et de la crise. Si l\'on ne réussit pas à trouver rapidement le chemin de sortie de la crise, il est alors justifié d\'être préoccupé par le financement des retraites...mais aussi par le financement de l\'ensemble des dépenses publiques et privées, de l\'Etat, des collectivités territoriales, des entreprises ou des ménages.Blocage provisoire du montant des pensionsDans ces conditions, que faire? D\'abord ne pas se tromper sur le diagnostic. Si le système de retraite français n\'a pas de problème financier structurel à long terme, il ne serait pas avisé de le réformer à nouveau au motif des équilibres financiers. Mais si une réforme structurelle peut être envisagée, c\'est pour améliorer l\'organisation générale du système (passage à un système à point ; fusion des régimes particulier en un régime unique, ...) pas pour réduire les droits. Et si l\'orientation de la politique économique générale, par ailleurs discutable, commande de faire des économies en pleine crise, celles-ci ne doivent être que temporaires avec par exemple, un blocage provisoire du montant des pensions.Incohérence du système actuel d\'indexation des pensionsEnfin les travaux du COR mettent en évidence l\'incohérence du système actuel d\'indexation des pensions. Parce qu\'elles sont indexées sur les prix et non sur les salaires nets, leur poids dépend de la croissance des salaires réels. Si cette croissance est rapide, le taux de remplacement des pensions (le pourcentage de son revenu d\'activité que conserve un salarié lorsqu\'il fait valoir ses droits à la pension) ainsi que le poids de ces salaires réels diminuent. Dans le cas inverse, des difficultés de financement supplémentaires apparaissent et les retraités sont alors relativement mieux traités que dans le cas précédent.Autrement dit, si la situation économique est bonne, les actifs peuvent espérer un allègement de la charge des retraites et même une baisse des cotisations. En sens inverse, les actifs doivent accepter une double peine : leur pouvoir d\'achat issu des revenus du travail baisse et on leur demande implicitement une hausse des cotisations pour garantir le pouvoir d\'achat des retraités. Cette rupture structurelle de la solidarité entre actifs et retraités mérite d\'être rediscutée rapidement. Le retour à un mécanisme d\'indexation solidaire devrait être aussi à l\'ordre du jour des discussions à propos des retraites en 2013.* Par Gérard Cornilleau, directeur adjoint au département des études de l\'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE)
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