L'Allemagne découvre les travailleurs pauvres

Travailler doit en valoir la peine. » Le slogan qui s'étale sur les affiches électorales du FDP vante la proposition du parti libéral de réduire la fiscalité sur le revenu. Mais, pour plus d'un passant, il a un goût amer. Car, outre-Rhin, le travail ne permet pas toujours d'éviter la pauvreté. Une étude récente de l'Office fédéral des statistiques (Destatis) a mis en avant que le développement de la précarité du travail accroissait le risque de pauvreté des salariés. La pauvreté menace 14,3 % des salariés précaires, contre 3,2 % des salariés embauchés en CDI. Évident ? Sans doute. Si ce n'est que la part de la précarité a bondi de 6 points en dix ans et qu'elle atteint aujourd'hui 22 % de la population active. Du coup, l'Allemagne, longtemps obsédée par sa compétitivité, doit à présent réfléchir à la pauvreté de ses travailleurs.La forme la plus répandue de cette précarité, ce sont les « mini-jobs ». Ces emplois ont pris leur essor avec la loi Hartz II de 2003 et ne doivent pas être confondus avec les « emplois à un euro » de la loi Hartz IV. Leur définition tient dans une rémunération mensuelle maximale de 400 euros, peu importe le temps de travail. Le salarié est alors exempté de cotisation sociale et l'employeur paie un forfait avantageux. mini-jobsAujourd'hui, 5 millions d'Allemands ne disposent que de ce type d'emploi, soit 19 % de plus qu'en 2003. Leur faible rémunération et leur couverture sociale limitée (droits minimaux à la retraite, pas de couverture maladie) en font les travailleurs les plus exposés au risque de pauvreté. Selon Destatis, 23 % d'entre eux sont concernés. Pourtant, pour beaucoup, ces mini-jobs sont incontournables. Martina, qui en a décroché un dans une supérette de la banlieue de Francfort, estime ainsi qu'il s'agit d'un complément indispensable aux revenus parfois irréguliers de son mari, ouvrier intérimaire dans le bâtiment. Mais si ce dernier perdait son emploi de façon durable, « les 380 euros que je gagne ici ne nous suffiraient pas à payer notre loyer », reconnaît-elle.La loi Hartz II a également ouvert ces mini-jobs à ceux qui sont déjà salariés et qui souhaitent un complément de revenu. Ce cumul a beaucoup de succès : ils sont 2,3 millions a y avoir recours, soit plus du double qu'en 2003. Pour les syndicats et les partis de gauche, c'est la preuve de l'appauvrissement général des salariés allemands, particulièrement dans le secteur des services. Et de la nécessité d'introduire un salaire minimum dont l'Allemagne est encore dépourvue.« La période de croissance entre 2005 et 2007 a surtout été une période de croissance pour les emplois bon march頻, affirme ainsi le président du syndicat des services Ver.di, Frank Bsirske. Les bas salaires au sens de l'OCDE (moins des deux tiers du salaire horaire médian) concernent aujourd'hui 20 % des salariés allemands. Pour Frank Bsirske, « la vigueur de la crise récente montre qu'il faut renforcer la demande intérieure et, pour cela, il faut un salaire minimum ». Cette question a empoisonné la vie de la grande coalition, mais le SPD a obtenu un salaire minimal dans une dizaine de branches, pour 3,7 millions de salariés. Encore son niveau est-il très différent d'une branche à une autre et entre l'ex-RDA et l'Ouest. Étrangement, cette question brûlante ne rencontre que peu d'écho dans la campagne électorale, même si c'est un des points qui divisent clairement la gauche, qui réclame un salaire minimal fédéral, et la droite, qui y est opposée. Mais il est vrai que la campagne sur le fond n'a pas encore vraiment débuté.
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