Pour le Portugal, la voie de sortie de crise reste encore très étroite

L'austérité reste à l'ordre du jour au Portugal. La Troïka, constituée des représentants de la Commission européenne, de la BCE et du FMI, a rendu son rapport sur la huitième et neuvième revue de la situation dans le pays. Et elle n'a pas bougé d'un pouce. Elle a autorisé le versement de la tranche de 5,6 milliards d'euros de l'aide globale de 78 milliards d'euros décidée en 2010, mais en y mettant une condition : les objectifs de réduction des déficits doivent rester les mêmes.Fermeté de la TroïkaLe gouvernement portugais devra donc dégager un déficit budgétaire de 5,5 % du PIB à la fin de cette année et de 4 % en 2014. C'est clairement un désaveu pour Paulo Portas, le vice premier ministre en charge des négociations avec la Troïka. C'est lui qui avait insisté pour que Lisbonne réclame un « assouplissement » de l'objectif de déficit à 4,5 % du PIB l'an prochain. Les Européens et le FMI n'ont pas voulu en entendre parler.Quant à l'obstacle de la cour constitutionnelle qui, par deux fois déjà, a censuré des mesures de rigueur, il devra être contourné. « Si certaines mesures devaient être jugées inconstitutionnelles, le gouvernement devra reformuler le budget pour satisfaire aux objectifs de déficit », a indiqué le rapport de la Troïka.Et non sans ironie, elle met en garde contre les conséquences sur la croissance et l'emploi de ces nouvelles mesures. Oubliant évidemment que le budget 2014 actuellement proposé est loin d'être neutre en termes de croissance et d'emploi et qu'en insistant sur l'objectif de 4 % du PIB pour le déficit, la Troïka impose de nouvelles coupes estimées à 4 milliards d'euros…L'inquiétude de l'étéIl s'agissait d'envoyer un message au marché après un été marqué par le doute. En juillet, Paulo Portas avait déclenché une crise gouvernementale en réclamant l'assouplissement de la politique d'austérité après la démission de son incarnation, le ministre des finances Vitor Gaspar.Finalement, la crise avait fait long feu et sous la pression internationale, le CDS-PP était rentré dans le rang. Mais les marchés avaient désormais douté du consensus autour de l'austérité au Portugal. Et les taux lusitaniens à 10 ans avaient repris de la hauteur et étaient remontés au-delà des 7 %.D'autant que, fin août, la Cour constitutionnelle avait censuré certaines mesures d'économies budgétaires.Rassurer les marchésIl fallait donc rassurer les marchés en montrant que les revendications du CDS-PP ne seraient pas entendues, que les entraves constitutionnelles ne seraient pas des obstacles et que la politique d'austérité et de consolidation budgétaire serait maintenue coûte que coûte.C'est un désaveu non seulement de Paulo Portas, mais aussi des électeurs portugais qui, lors des élections municipales de dimanche dernier ont rudement sanctionné la coalition au pouvoir qui a cédé près de 11 points de pourcentage…La ligne dure de la Troïka semble avoir porté ses fruits sur les marchés puisque, ce vendredi, le taux à dix ans portugais est repassé sous les 6,5 %, pour la première fois depuis le 29 août.La victoire du Premier ministreLe grand vainqueur de cette visite de la Troïka est le Premier ministre Pedro Passos Coelho et sa ministre des Finances Maria Luis Albuquerque, tous deux partisans de la poursuite de la consolidation budgétaire afin de revenir le plus rapidement possible sur les marchés et de ne pas réclamer à la fin du programme d'aide actuel un nouveau soutien international.La mise au pas de Paulo Portas, et l'indifférence tant vis-à-vis de l'épée de Damoclès de la cour constitutionnelle que de la méfiance des électeurs, est le gage de ce retour. Mais le pari du Premier ministre est-il réaliste ?Une croissance de retour…La ministre des Finances veut le croire. Elle s'appuie pour convaincre sur une amélioration réelle de la situation économique portugaise. Au deuxième trimestre, l'économie lusitanienne a progressé de 1,1 %, mettant fin à onze trimestres consécutifs de baisse. Cette progression a été la plus importante de l'ensemble de la zone euro entre avril et juin. Elle a permis au gouvernement de Lisbonne de réviser, ce vendredi, sa prévision de décroissance du PIB pour cette année de 2,3 % à 1,8 %.Et donc d'espérer, avec la poursuite de la politique actuelle, une réduction du déficit public à 5,5 % du PIB.… mais pour combien de temps ?Sera-ce suffisant ? Rien n'est moins sûr. Car une partie des mesures du budget 2013 et l'ensemble des mesures du budget 2014 vont sans doute encore peser sur la demande intérieure.Dans une étude récente, les équipes de HSBC mettent en garde contre « un retournement de la croissance au quatrième trimestre et au début de 2014 compte tenu de l'effet des coupes budgétaires. »D'autant que si les banques portugaises se sont restructurées correctement, elles rechignent plus que jamais à prêter à l'économie. Selon la banque centrale portugaise, les prêts aux PME ont reculé en août sur un an de 9 %, ceux aux ménages de 4,9 %.La transmission au reste de l'économie des succès des exportationsCertes, les prêts aux grandes entreprises exportatrices progressent, mais la transmission de cette croissance au reste de l'économie se fera-t-elle correctement ?C'est le pari risqué du gouvernement et de l'Europe qui estime que la croissance des exportations - seul poste en croissance au Portugal - permettra de relancer l'investissement et, plus tard, la consommation.Mais comment les PME fournisseurs des entreprises pourront-elles investir pour répondre aux demandes des grandes si elles n'ont pas accès au crédit ? Et peuvent-elles encore réellement répondre à cette demande après trois ans de faillites et de récession ?Les prochains mois permettront de répondre à cette question dont dépend en réalité l'avenir du pays. Le rythme de cette transformation du Portugal en une économie fondée sur les exportations sera également déterminant pour permettre au gouvernement de remplir ses objectifs de déficit et de rétablir une confiance durable dans les marchés.Le poids de la detteReste que le temps presse pour le gouvernement. L'aide européenne s'achève officiellement à la mi-2014 et le poids de la dette demeure élevé. Il devrait continuer à progresser cette année, atteignant 127,8 % du PIB, avant, promet la Troïka, de décroître.Mais même en respectant la feuille de route de la Troïka, l'excédent primaire portugais ne comblera pas les besoins du service de la dette. Il faudra donc poursuivre les efforts et, en attendant, trouver un moyen de financer les engagements du pays. Il existe alors trois options.Les trois options de Lisbonne pour 2014La première consiste à revenir sur les marchés. C'est ce que visent la Troïka et le gouvernement. Dans ce cas, la situation portugaise se sera normalisée et le pays pourra se passer d'aide du MES et du FMI. Il faudra, entretemps, avoir convaincu les marchés que rien ne pourra plus empêcher le pays de remplir ses engagements futurs. Cette solution est cependant loin d'être idéale pour le Portugal. Même apaisés, les marchés réclameront nécessairement des intérêts bien plus élevés au Portugal que le MES.Du coup, le service de la dette s'en trouvera alourdi, alors même qu'il faudra maintenir le cap et la croissance pour ne pas inquiéter les investisseurs. Le Portugal ne sera donc pas sorti d'affaire, sa voie restera très étroite.Deuxième option, qui sera inévitable si le retour sur les marchés n'est pas rapidement possible : une nouvelle aide du MES et du FMI sera nécessaire pour permettre la « jonction », en attendant que l'excédent primaire soit suffisant pour autofinancer le remboursement des dettes.Cette aide sera moins lourde qu'un retour sur le marché, mais elle sera liée à une conditionnalité stricte. D'autant qu'elle sera comprise comme un échec, le communiqué de la Troïka le prouve.Troisième solution : une restructuration sur la dette afin d'alléger le poids du service de celle-ci dans le budget. Cette option est aujourd'hui exclue, car elle rendrait le retour sur les marchés difficile.La fin du consensus pro-austéritéLa dernière donnée de la situation portugaise, c'est le peuple. Le consensus autour de l'austérité est désormais brisé. Les Portugais ne suivent plus la politique du gouvernement. Les élections de dimanche l'ont prouvé clairement.Le Premier ministre veut ignorer ce message, conformément aux alertes envoyées par les agences et le marché. S&P jeudi a prévenu : « Toute complaisance politique qui porterait le risque d'un changement de politique amènerait une pression sur la notation. »Pression politique avant les élections de 2015Mais il faudra du temps pour que la situation concrète de la population s'améliore, même en cas de reprise économique. La croissance de 0,8 % prévue en 2014 fera-t-elle oublier le recul de 7 % des trois dernières années ? Fera-t-elle reculer le chômage, proche de 18 % de la population active ? Non, évidemment.Mais alors que les élections législatives de 2015 vont rapidement se profiler, le Premier ministre aura bien du mal à ne pas lâcher un peu de lest. Un mouvement que les marchés et l'Europe n'entendent pourtant pas lui permettre. La situation portugaise reste donc fort incertaine. 
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