Haro sur les « niches » des entreprises

Dans le projet de budget 2011, le rabot ne touche pas aux niches dont bénéficient les entreprises ou marginalement. Ces niches ? fiscales et sociales ? constituent une masse informe, mal définie, de plus de 172 milliards d'euros, qui grossit chaque année, sans que le politique n'en contrôle la croissance. Un empilement de mesures, faciles proies des nombreux lobbies, sur lesquelles il serait possible de réaliser « entre 15 et 29 milliards d'euros d'économies budgétaires ». A l'ère du gel des dépenses budgétaires et de la réduction des déficits, le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) consacré aux « niches » fiscales et sociales dont bénéficient les entreprises fait l'effet d'un pavé dans la mare. Il devrait d'ailleurs alimenter le débat budgétaire, puisque le premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, dont dépend le CPO, l'a présenté mercredi à la commission des Finances de l'Assemblée nationale.Premier constat du rapport : le nombre de ces dispositifs dérogatoires n'en finit pas d'enfler. Entre 2002 et 2010, il s'en est créé une douzaine de plus chaque année. En 2010, le CPO recense 293 dépenses fiscales et 91 dispositifs sur les prélèvements sociaux en faveur des entreprises. Et encore cet ensemble ne comprend-il pas toutes les mesures dérogatoires : en est exclue la « partie immergée de l'iceberg » que constituent d'autres dispositifs déclassés, ou non définis comme « niches » et ce sans justification aucune. Alors que les « niches » fiscales aux entreprises s'élèvent en 2010 à 35 milliards d'euros (14 % des recettes fiscales nettes de l'Etat) et que les « niches » sociales aux entreprises atteignent 66 milliards d'euros (15 % des recettes de la Sécurité sociale), ces mesures non répertoriées représentent aujourd'hui 71,3 milliards, soit 28 % des recettes fiscales. Parmi elles, le régime de l'intégration fiscale pour les groupes, et la taxation à taux réduit des plus-values à long terme provenant de cessions de titres de participation (niche Copé). manque flagrant d'efficacitéSecond constat : dans un certain nombre de cas, le recours aux niches ne semble pas l'outil le mieux adapté, un recours aux dépenses budgétaires aurait été préférable (par exemple pour les dispositifs sur les zones franches urbaines). Et ce manque d'efficacité pose d'autant plus question que ces dispositifs ? souvent créés sans évaluation ? sont très difficiles à supprimer... et favorisent les comportements d'optimisation. Pour parer à ces effets pervers, le CPO préconise de définir de façon organique les règles de création de « niches », d'instaurer une règle de gage au moment de leur création, de limiter à quatre ans la durée d'application des mesures nouvelles, de les évaluer systématiquement et de supprimer au bout de trois ans toute mesure qui serait passée au travers de ce contrôle. La troisième partie du rapport suscitera enfin beaucoup de commentaires, puisque le CPO passe au crible l'efficacité de quelques-uns des dispositifs. Avec des conclusions sévères pour certaines « niches » célèbres (lire ci-dessous). Entre les mesures qualifiées d'inefficaces, celles mal ciblées et celles génératrices d'effets pervers, le CPO s'en donne à coeur joie. Au total, le document fait 70 recommandations. « Ce n'est pas un menu qui vous est proposé, c'est une carte à consommer avec discernement et sur plusieurs repas », a précisé Didier Migaud devant les députés. A condition d'en avoir l'appétit.
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