Etats-Unis : qui surmontera le mieux la falaise fiscale ?

L\'élection du président et le renouvellement des chambres du Congrès, lors du scrutin de mardi, vont pouvoir débloquer la situation très dangereuse d\'un point de vue économique dans laquelle se trouvent les Etats-Unis. En effet, les hasards du calendrier font qu\'un certain nombre de mesures fiscales et budgétaires arrivent à échéance au 31 décembre 2012. En l\'absence de nouveaux accords sur ces sujets, on pourrait assister à une hausse massive des impôts et une réduction également massive des dépenses en 2013, avec un très fort risque de nouvelle récession.Dans le contexte d\'une campagne électorale marquée par une intense bataille idéologique sur le rôle de l\'état, la légitimité de l\'impôt et le bien fondé du principe de redistribution sociale, le débat sur le renouvellement ou non de ces mesures n\'a pas pu se tenir. Les deux candidats et leurs équipes étaient trop engagés dans la surenchère pour pouvoir débattre de manière constructive sur des sujets complexes. Les quelques semaines entre le 6 novembre et le 31 décembre vont donc être cruciales pour épargner aux Etats-Unis ce que les économistes et les observateurs présentent comme la «falaise fiscale» américaine.Que se passe-t-il exactement? Les exemptions fiscales instaurées sous l\'administration Bush et prolongées par l\'administration Obama (avec le Tax Relief Act de 2010) arrivent à échéance. Si rien n\'est fait, les ménages américains devront acquitter près de 400 milliards de plus en impôts à partir de 2013.Surtout, c\'est en décembre la fin de l\'accord budgétaire conclu par le Congrès en août 2011 sous le nom de Budget Control Act. Cette loi mettait un terme à la bataille parlementaire de l\'été 2011 sur le relèvement du plafond de la dette. Elle posait comme condition à ce relèvement des coupes automatiques et drastiques dans les budgets de défense et de santé si aucun autre accord sur la réduction des dépenses n\'était conclu avant son expiration. Ce mécanisme budgétaire porte le nom de «sequestration». L\'idée était de prévoir des coupes aussi difficiles à accepter pour les Démocrates (les coupes dans les dépenses de santé) que pour les Républicains (les coupes dans le budget de la défense), afin de pousser les deux partis à mettre au point un compromis. Nous allons voir dans les jours qui viennent si ce stratagème se montre efficace!D\'autres mesures viennent également à échéance, comme par exemple le doc fix -un délai dans l\'application des impôts liés à l\'application de la loi Obama sur la santé-, ou le payroll tax cut, un allégement de 2% des impôts destinés aux retraites prélevés sur les salaires.L\'effet cumulé de l\'expiration de toutes ces mesures serait une très importante diminution du déficit budgétaire de l\'Etat, qui passerait de 7,3% du PIB pour l\'année fiscale 2012 à 4% en 2013. On ne pourrait que se réjouir d\'une telle évolution si cette réduction ne risquait d\'entraîner une forte diminution de l\'activité économique. Le Congressional Budget Office estime en effet que dans un tel scénario, la croissance américaine passerait de 2,3% en 2012 à -0,3% en 2013. Il se produirait ce que l\'on appelle un double dip, une nouvelle plongée dans la récession, sans doute dès le premier semestre 2013. Et ce au moment même où l\'économie américaine commençait à donner quelques signes positifs sur l\'activité des entreprises et l\'emploi. Il faut ajouter à cette équation complexe le fait qu\'un nouveau relèvement du plafond de la dette va devoir être autorisé par le Congrès en décembre, le précédent plafond, adopté dans la douleur à l\'été 2011, étant déjà atteint.Les bases de négociation sont connues: les Démocrates veulent bien maintenir une partie des exemptions fiscales, mais seulement sur les classes moyennes et les plus pauvres. Ils veulent aussi maintenir les budgets sociaux les plus nécessaires. Pour leur part, les Républicains veulent maintenir voire augmenter (comme l\'a répété Mitt Romney dans son programme) le budget de la défense, et ne pas accabler d\'impôts les plus riches. Certaines dépenses, comme les retraites, devraient en tout état de cause être épargnées.Le système de la transition, qui veut que le président nouvellement élu et son équipe ainsi que le nouveau Congrès n\'entrent en fonction que le 20 janvier, fait que c\'est l\'équipe actuelle qui va devoir mener la négociation d\'ici au 31 décembre. Si Obama est réélu avec un Congrès républicain -une hypothèse souvent évoquée-, le président n\'aura pas de problème de légitimité pour entamer la discussion, mais on peut craindre de nouveau un phénomène d\'obstruction parlementaire. Si c\'est Mitt Romney qui l\'emporte, en revanche, la légitimité d\'Obama pour lancer le débat sera plus faible. Dans ce cas, l\'actuel Congrès pourrait autoriser une prolongation de l\'ensemble des mesures jusqu\'à fin janvier, date à laquelle le nouveau Congrès et le nouveau président pourraient entreprendre des négociations plus légitimes d\'un point de vue démocratique, puisque sanctionnées par l\'élection récente. par Laurence Nardon, chercheur à l\'IFRI
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