Voilà plus de trente ans que le Britannique se consacre à l...

Michael Kenna, sculpteur de paysagesC'est un travail unique. À 1.000 milles des modes ou des nouveaux diktats de la photographie plasticienne. Une ?uvre d'une beauté à couper le souffle. D'une cohérence rare. Car voilà maintenant plus de trente ans que le photographe britannique Michael Kenna ne s'intéresse qu'au paysage. Ce qui l'a poussé à parcourir le monde. De ces voyages au long cours, de son Angleterre natale aux confins de l'Asie en passant par les États-Unis ou l'île de Pâques, l'homme a rapporté un ensemble d'images vibrantes, en noir et blanc, aujourd'hui présenté à la Bibliothèque nationale de France à Paris ainsi qu'à la galerie Camera Obscura. Soit, pour la première exposition, un ensemble de plus de 200 tirages dont les formes et les thèmes se répondent avec bonheur pour révéler l'évolution du travail du photographe.Tout a commencé en 1975 avec la rétrospective londonienne sur le paysage concoctée par Bill Brandt, l'un des maîtres britanniques de l'image. Au programme, des tirages d'Atget, de Lartigue ou de Cartier-Bresson. Pour Michael Kenna, alors étudiant, c'est un choc. Au point de le décider à se consacrer uniquement au paysage. Il fait alors ses premières gammes là où il a grandi, dans le Lancashire. Et immortalise les paysages industriels de son enfance. Images aux cieux chargés, au noir et blanc charbonneux. Le format est encore classique. Les références aux grands noms du médium tels Brassaï, évidentes. « Mais l'on remarque déjà une fascination pour la circulation des nuages, les changements de lumière ou les vues nocturnes », souligne Anne Biroleau, commissaire de l'exposition de la BNF.Images graphiquesL'installation de Kenna aux États-Unis donne plus d'ampleur à son travail. En témoigne « The Rouge », série consacrée à la gigantesque usine automobile Ford dans le Michigan. Il y travaille dix ans durant, souvent de nuit, opte déjà pour de longs temps de pose. Plongées sur les fonderies, contre-plongées sur les cheminées. Le photographe se fond dans le paysage tel un caméléon, resserre ses cadrages, se focalise sur des détails pour réussir des images extrêmement graphiques. Celles de la centrale nucléaire de Radcliff, elles, sont carrément sculpturales, voire sensuelles. « Au fil des ans, Kenna se passionne pour les questions de découpe comme pour le travail sur le cadre, explique Anne Biroleau. Son travail évolue vers un format carré qui lui permet d'aller plus loin dans la structure et la construction de l'image ». Au fond, ce n'est pas le sol, la terre qui l'intéresse, mais les éléments. À commencer par la lumière, mais aussi l'air et le vent qui semblent construire ses tirages. Ses photos sont toujours désertées par les hommes. Ce qui ne l'empêche pas de donner aux arbres une véritable personnalité. On y croise un topiaire échevelé, des troncs noués, décharnés, particulièrement torturés.Cette vérité des choses, des lieux, Kenna la traque aussi dans les sites touristiques les plus visités de la planète dont il parvient, comme par magie, à raviver l'esprit initial. Avec lui, les célèbres sculptures de l'île de Pâques reprennent vie. Le Mont-Saint-Michel retrouve sa verve médiévale, et les pyramides de Gizeh leur majesté première.Avec les années, les images du photographe se sont dépouillées, jusqu'à atteindre l'épure la plus totale. Notamment celles réalisées en Asie. Cette palissade dans la neige du Japon, par exemple. Quelques lignes plantées dans la poudre immaculée. Land Art ? Photographie plasticienne ? Paysages documentaires ? Calligraphie dans l'espace ? Le travail de Kenna n'est rien de cela et tout cela à la fois. C'est surtout une ?uvre qui gagne chaque année en puissance. Mais aussi un travail indépendant qui se refuse à adopter les codes de la photo plasticienne : grand format justifiant un prix exorbitant pour une édition de trois ou de cinq. Ses tirages, toujours argentiques, ? réalisés par ses soins, ce qui en fait pratiquement des pièces uniques ? ont désormais un seul format de 20 x 20 cm. Édités à 45 exemplaires numérotés et signés, ils sont vendus à la galerie Camera Obscura entre 1.450 ? et 7.000 ?, le prix augmentant au fur et à mesure des ventes effectuées dans chaque édition. Ce qui reste extrêmement abordable pour un artiste de cette notoriété, exposé dans les plus grands musées. Yasmine Youssi
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