Le harcèlement moral

Les suicides au travail chez France Télécome;lécom ont pointé du doigt des méthodes de management contestées au sein de ce groupe. Des méthodes qui pourraient peut-être se retrouver sur le terrain judiciaire du harcèlement moral. Dans un arrêt du 10 novembre dernier passé inaperçu, la chambre sociale de la Cour de cassation a en effet reconnu, pour la première fois, que les méthodes de gestion du personnel utilisées dans une entreprise, notamment par un supérieur hiérarchique, pouvaient, lorsqu'elles entraînent une détérioration des conditions de travail, caractériser un harcèlement moral.La portée de cette nouvelle jurisprudence risque de s'avérer considérable dans la pratique. Un exemple ? Un salarié s'estime victime d'un harcèlement moral en raison des méthodes de management de son entreprise. Devant la justice prud'homale, il obtient gain de cause. Cette première condamnation de l'entreprise peut ensuite avoir un effet boule de neige : d'autres salariés de la même société pourraient alors être tentés de saisir la justice pour obtenir aussi réparation avec des dommages et intérêts. Ce qui ouvre la porte à la condamnation d'un harcèlement moral collectif, même si chaque salarié doit agir en justice individuellement pour son préjudice personnel.reproches incessantsDans l'affaire examinée par la Cour de cassation, il s'agissait d'un agent d'entretien employé dans un centre de vacances. En 2001, un nouveau directeur arrive et met en place une nouvelle méthode de gestion du personnel. Ainsi, par exemple, il donne ses directives à un cadre subordonné via des tableaux de service. Dans son arrêt du 8 octobre 2007, la cour d'appel de Grenoble a condamné l'entreprise pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de l'agent d'entretien et pour harcèlement moral à son encontre. Elle a relevé que le directeur du centre de vacances soumettait les salariés à une pression continuelle, des reproches incessants, des ordres et contre-ordres dans l'intention de diviser l'équipe. Ces agissements répétés ont entraîné un état dépressif pour l'agent d'entretien. Et portent atteinte aux droits et à la dignité du salarié. Ce qui caractérise un harcèlement moral.Le 10 novembre 2009, la Cour de cassation a confirmé l'interprétation en droit des juges du fond : « Peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en ?uvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent, pour un salarié déterminé, par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »Avec cette interprétation large, la haute juridiction renforce la protection des salariés face aux dysfonctionnements des méthodes de management. Car, il faut le rappeler, un salarié n'a que des faisceaux d'indices à apporter : en raison du renversement de la charge de la preuve en matière de harcèlement moral, il revient à l'employeur de prouver l'absence de détérioration des conditions de travail. Une tâche d'autant plus délicate pour l'employeur que dans un autre arrêt du 10 novembre, la Cour de cassation estime que le harcèlement moral peut être constitué sans qu'il y ait besoin de l'intention de nuire de son auteur. La haute juridiction paraît ainsi étendre au harcèlement moral l'obligation de résultat imposée à l'employeur en matière de sécurité de ses salariés. La prochaine étape de la jurisprudence ? Frédéric Hastingsdroit social
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