Free et la pub : Fleur Pellerin critique « une brutalité pas acceptable »

« J’ai demandé à Free de mettre fin immédiatement à ce blocage de la publicité » a expliqué Fleur Pellerin lundi matin après avoir rencontré Maxime Lombardini, le directeur général d’Iliad, la maison mère du fournisseur d’accès à Internet. Quatre jours après le début du tollé provoqué par Free en introduisant d’office un dispositif de blocage des pubs sur les sites visités par les internautes équipés d’une Freebox Révolution, la ministre déléguée à l’Economie numérique a souhaité montrer qu’elle avait pris efficacement les choses en main. Un ton très ferme mais un exercice d’équilibriste dans le discours, où se mêlaient désapprobation sur la forme et compréhension sur le fond de la manœuvre de Free. La direction d’Iliad se serait montrée « à l’écoute, responsable » et se serait engagée à supprimer « dans la journée, avant ce soir » tout dispositif de blocage, par défaut ou par activation d’une option. Certains sites spécialisés comme Freenews, affirmaient dès lundi matin que l’affichage des publicités était déjà rétabli.Google grand absent de la réunion« Quelles que soient les raisons, la brutalité et la manière unilatérale » dont a été mis en œuvre ce dispositif de blocage de la publicité « ne sont pas acceptables » a tancé la ministre. Elle avait reçu auparavant dans la matinée des représentants des régies publicitaires (Udecam, SRI, IAB, UDA) et des éditeurs de sites (Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne, SPIIL, le Groupement des éditeurs de contenus et services en ligne GESTE, et le président du site Melty) pour évoquer « les conséquences graves qu’un blocage généralisé de la publicité ferait peser sur l’écosystème numérique et leur modèle économique. » La ministre a « regretté que cet incident ait eu tendance à stigmatiser la publicité alors qu’elle est un élément essentiel de l’économie numérique » tout en faisant valoir que « le secteur Internet est en forte croissance mais reste fragile et soumis à la domination des géants de l’Internet dont aucun n’est européen. » Google, pourtant premier visé par la manœuvre de Free avec lequel il est en conflit depuis des mois au sujet des frais d’interconnexion, était le grand absent de la réunion : il n’a pas été convié mais ne semblait pas très désireux de s’y rendre. Bottant en touche sur les raisons du blocage, la ministre a déclaré que « c’est à Free de s’expliquer auprès de ses abonnés, des éditeurs de sites », affirmant que « les deux sujets ne sont pas liés », à savoir le différend financier entre Free et Google (en particulier au sujet du fort trafic généré par sa filiale YouTube) et le blocage de la pub.« Un blocage incompatible avec la vision d’un Internet neutre »La ministre relève que la question de la légalité du dispositif anti-pub n’est « pas techniquement évidente » à trancher, dans l’attente des réponses que Free apportera dans le courant de la semaine au gendarme des télécoms, l’Arcep (blocage au niveau des Box ou du réseau). Mais elle affirme que « d’un point de vue politique, ce dispositif ne semble pas compatible avec la vision d’un Internet neutre, libre et ouvert », d’autant que « la publicité constitue un contenu comme un autre. » Pour autant, la ministre ne semble plus ouvertement en faveur d’une loi inscrivant le principe de la neutralité du Net, qui fera l’objet d’une table ronde à Bercy le 15 janvier. Elle a indiqué qu’elle comptait rencontrer la direction générale de Google France pour préparer cette table ronde organisée avec Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement producif. L’objectif de la table ronde est de voir « comment aborder le sujet, par la loi ou les pratiques » alors que, selon elle, « le droit, français ou européen, dit assez peu de choses » sur le principe de Net neutralité, qui a fait l\'objet de plusieurs propositions de loi en France ces derniers mois.Ne pas pénaliser les opérateurs français dans leurs négociations avec Google« Cet incident montre bien l’acuité du problème du partage de la valeur ajoutée » considère Fleur Pellerin qui juge nécessaire « une réflexion sur la chaîne de valeur, afin de savoir qui est légitime à réclamer sa part du gâteau. » En réalité, Bercy ne veut « pas imposer trop de contraintes aux opérateurs français qui les pénaliseraient dans leurs négociations sur le partage de la valeur avec les géants de l’Internet » décrypte un haut fonctionnaire. Les opérateurs télécoms essaient en effet d’imposer aux Google, Amazon et autres Facebook et Apple, le paiement du fort trafic généré par certains sites (tels que YouTube), sous la forme par exemple d’une « terminaison d’appel data », sorte de péage sur leurs tuyaux. Orange a gagné cet été contre un opérateur de transit américain, Cogent, devant l’Autorité de la concurrence qui lui a reconnu le droit de facturer un déséquilibre de trafic. La ministre a soigneusement évité d\'entrer dans le vif du sujet, déclarant espérer « trouver un système gagnant/gagnant » lors de la table ronde sur la Net neutralité. « Il ne faut pas seulement imposer des contraintes mais d’abord créer de bonnes incitations à investir pour les opérateurs locaux qui doivent impérativement investir dans le déploiement très coûteux de leurs réseaux » a martelé la ministre. Interrogée sur la nécessité ou non de faire participer les Google et consorts au financement des réseaux français, elle a répondu, sibylline, « la question mérite d’être posée avec insistance. »  
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.