L'éditorial de François Lenglet

Comme ces machines qui trônaient naguère sur les champs de foire pour mesurer la force des badauds, les manifestations de rue ont pour objectif principal d'évaluer le mécontentement populaire. Hier, l'aiguille du « ronchonomètre » français est entrée dans la zone rouge du compteur. C'est d'autant plus étonnant qu'elle n'avait pas décollé depuis longtemps. Et que la réforme des retraites est, dans son principe, bien acceptée par la plupart des syndicats, même s'ils en contestent les modalités. Or, on ne convainc pas deux millions et demi de personnes à battre le pavé humide de septembre pour des modalités. Rejet politique d'un pouvoir usé ? Désir de gauche ? C'est ce que croient, de façon un peu naïve, les socialistes, qui profitent mécaniquement d'un fragile rebond dans l'opinion. Ils se trompent. Plutôt que la crise du pouvoir, c'est - encore une fois - une crise de l'exercice du pouvoir. L'entêtement de Nicolas Sarkozy à maintenir son ministre clé, Éric Woerth, empêtré dans les conflits d'intérêts, a probablement engendré quelques centaines de milliers de manifestants supplémentaires. On veut croire que les raisons de la fidélité présidentielle sont louables. Reste une vérité politique difficilement contestable : chaque fois qu'Éric Woerth ouvre la bouche pour défendre cette « réforme juste », il fragilise davantage son propre camp. Qu'un président joue ainsi le destin d'un projet qu'il a lui-même présenté comme capital, est audacieux. Au lendemain des cortèges, le pari semble même aventureux. Et il sera coûteux. Si la contestation a été avivée par des éléments extérieurs à la réforme, elle ne sera calmée que par des aménagements de la réforme - des centaines de millions d'euros de déficit supplémentaire. Cela fait cher pour une prolongation de bail ministériel. [email protected]
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