Responsabilité sociale  : les nouveautés de l'ISO 26000

Après cinq ans de négociation, l'Organisation internationale de normalisation (ISO) va publier en décembre une nouvelle norme, l'ISO 26000, qui porte sur la responsabilité sociétale des organisations. Cette norme a pour objectif de définir ce qu'est la responsabilité sociétale et de la rendre applicable à tout type d'organisation (entreprises, collectivités territoriales, associations...).S'il ne s'agit pas d'une norme ayant la force d'une loi, l'ISO 26000 bénéficie d'une reconnaissance institutionnelle, compte tenu du fait que ce document a été établi sur une base consensuelle, plus de 90 pays ayant pris part à la négociation. L'ISO a souhaité associer des organisations internationales aux débats afin de veiller à ce que la norme soit en cohérence avec des instruments existants tels les conventions de l'Organisation internationale du travail ou encore le pacte mondial des Nations unies. Reste que, à ce jour, tout ce travail s'est fait de façon plutôt silencieuse et loin des scènes médiatiques. Il est temps d'y remédier d'autant plus que la nouvelle norme marque un certain nombre d'avancées en matière de définition de la responsabilité sociétale des organisations.Elle reconnaît la conception européenne de la responsabilité sociétale des organisations, défendue au premier chef par la délégation française à l'ISO. La responsabilité sociétale y est pensée comme un moyen de mise en oeuvre des principes essentiels du développement durable par toutes les organisations. Cela implique par conséquent une volonté de l'organisation d'assumer la responsabilité des impacts de ses décisions et activités sur la société et sur l'environnement et d'en rendre compte. La conception nord-américaine n'a donc pas prévalu. Un tel choix aurait conduit à concevoir la responsabilité sociétale comme une démarche relevant de la sphère de l'éthique (des affaires). L'option choisie par l'ISO invite à la comprendre plutôt comme une démarche guidée par le concept clé de « soutenabilit頻, c'est-à-dire ce qui peut être supporté par l'environnement naturel et accepté (toléré) par l'humanité sans que celle-ci s'estime être mise en danger par des activités aux effets irréversibles. L'enjeu n'est donc pas une opposition entre le bien et le mal, mais un enjeu de survie (et de vie) de l'espèce humaine, voire de toute espèce vivante sur la planète.Ceci étant, la principale novation réside dans la reconnaissance que la responsabilité d'une organisation s'étend à sa sphère d'influence. Il y est ainsi précisé qu'« il y aura des situations où il incombe à l'organisation, d'une part de faire preuve de vigilance vis-à-vis des impacts induits par les décisions et activités d'autres organisations et, d'autre part, de prendre des mesures pour éviter ou atténuer les impacts négatifs en rapport avec les relations qu'elle entretient avec lesdites organisations » (p. 19, traduction française). Cela signifie que la responsabilité d'une organisation ne se limite pas aux impacts des décisions et activités des entités qu'elle contrôle, « i.e. » dont elle a la maîtrise juridique.Le propos est de percer derrière le voile contractuel et juridique la réalité de l'organisation du pouvoir économique et d'imputer aux vrais décideurs une responsabilité de façon à leur faire supporter les conséquences de leurs décisions. Il s'agit notamment de prendre en compte le fait que le pouvoir économique est de plus en plus entre les mains de donneurs d'ordre, qui déterminent les décisions prises dans les organisations (sous-traitants, fournisseurs...) sans pour autant disposer de liens juridiques avec celles-ci (absence de maîtrise juridique). Étendre la responsabilité à la sphère d'influence de l'organisation, c'est aussi, bien entendu, une manière de freiner les processus d'externalisation qui cherchent à transférer à l'extérieur de l'organisation certains risques et coûts. Bref, c'est une contribution majeure à l'émergence d'un droit des réseaux et notamment des réseaux d'entreprises.L'ISO 26000 concrétise ainsi des avancées notables. Reste bien entendu à voir comment elle se diffusera et façonnera les tissus économiques. Gageons qu'elle puisse être le vecteur d'une révolution silencieuse. (*) Réseau international de recherche sur les organisations et le développement durable.
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