Retraites : le pari risqué de l'exécutif

Le tempo est souvent crucial dans les réformes sociales. L'Élysée l'a parfaitement intégré. Et, sous le pilotage étroit de Raymond Soubie, le conseiller social de Nicolas Sarkozy, n'hésite pas à en jouer dans l'actuelle réforme des retraites. Alors que la tension sociale montait depuis plusieurs jours et que son inflexibilité commençait à être critiquée, y compris dans les rangs de sa majorité, l'exécutif a repris, jeudi, l'initiative. Et accordé deux nouvelles concessions, avec le maintien de l'âge de départ à taux plein (sans décote) à 65 ans pour les mères de famille nées entre 1951 et 1955 et pour les parents d'enfants handicapés (lire ci-après).Du côté des organisations syndicales, l'accueil a, sans surprise, été froid. « Cela fait toujours une très mauvaise réforme pour la masse des salariés, et c'est sur cette base-là que nous allons continuer à mobiliser le 12 octobre », a aussitôt réagi Bernard Thibault, le leader de la CGT. Cette annonce « ne modifie pas l'équilibre global de la réforme qui reste très insatisfaisant », indiquait, de son côté, la CFDT dans un communiqué.Et tout au long de la journée de jeudi, les préavis de grève reconductibles ont continué de fleurir pour pouvoir poursuivre les arrêts de travail au-delà de la journée de grève et de mobilisation du 12 octobre si les salariés le décidaient, sans tomber dans l'illégalité. Après les cheminots, les marins ou les électriciens et gaziers, la fédération CGT de la fonction publique a déposé un préavis pour la période du 12 au 18 octobre. « Si une nouvelle fois, au soir du 12 octobre (...), le président de la République, le Premier ministre et vous-même demeuriez sourds aux légitimes exigences de la majorité de la population, la mobilisation sera plus que jamais à l'ordre du jour », prévient Jean-Marc Canon, le leader des fonctionnaires CGT, dans un courrier adressé jeudi à Éric Woerth.La semaine prochaine sera donc décisive pour la suite et la forme du conflit. L'intersyndicale, qui se réunit ce vendredi, devrait appeler les salariés à descendre nombreux dans la rue le 12 octobre pour maintenir la pression et appeler à une nouvelle manifestation le samedi 16 octobre.Porte de sortie honorablePar-delà ces rodomontades, l'exécutif espère, avec des nouvelles concessions dont le coût serait de 3,4 milliards d'euros d'ici à 2022, avoir ouvert la voie à une sortie du conflit honorable pour tous. Outre qu'ils lui ont permis de donner des gages au groupe centriste - indispensable pour rassembler une majorité au Sénat -, ces gestes ont été soigneusement calibrés à destination des organisations réformistes. En enfonçant un coin - même très limité - dans le recul de l'âge d'obtention d'une retraite à taux plein, le gouvernement envoie un premier signal sur les bornes d'âge. Surtout, en finançant ces mesures nouvelles via une taxation du capital, il satisfait plusieurs organisations syndicales. « Ce choix est pertinent », note la CFDT. « Même si l'on est loin du compte, cela rétablira davantage d'équité entre les efforts fournis », renchérit l'Unsa.Mais le pari est risqué. Car après ces concessions, les partisans de la radicalisation - à la CGT, mais aussi à la FSU ou chez Solidaires - défendront l'idée que chaque nouveau coup de boutoir permet de faire reculer le gouvernement. Et qu'il n'est pas temps de relâcher la pression, même si le calendrier s'accélère, le texte devant être adopté à la Chambre haute en fin de semaine prochaine. Pour couper court à cette tentation, l'exécutif a, jeudi, poussé les sénateurs à modifier l'ordre d'examen des articles. Et à valider le soir même les articles 5 et 6 sur les bornes d'âge. Une manière de sanctuariser deux mesures érigées en symboles de la réforme.
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