Le monde a besoin d'un déficit budgétaire chinois plus élevé

Le débat du G20 sur le partage de l'ajustement entre pays excédentaires et déficitaires n'est pas nouveau. Il s'agissait du thème principal de la conférence de Bretton Woods en 1944, au cours de laquelle le Royaume-Uni (mené par Keynes) proposa un partage de l'ajustement. Les États-Unis, qui étaient alors un pays excédentaire et le plus grand créancier au monde, rejetèrent la proposition et soutinrent à la place la création du FMI pour financer les ajustements des pays déficitaires. Aucune contrainte ne fut placée sur les pays excédentaires. Aujourd'hui, les États-Unis, devenus le principal pays déficitaire, proposent au G20, pour éviter une guerre commerciale, d'adopter des balances extérieures cibles, apparemment à 4 % du PIB. Mais cette proposition s'est heurtée à la résistance de certains membres du G20 et ne risque pas d'entraîner un réalignement majeur des devises mondiales.Alors que le déficit américain s'élève à 500 milliards de dollars et correspond à la moitié des déficits mondiaux, il ne représente que 3 % du PIB de l'Amérique et ne serait donc pas soumis aux exigences de la proposition américaine. À l'inverse, les excédents respectifs de 270 et 200 milliards de dollars affichés par la Chine et l'Allemagne représentent 5 % et 6 % de leur PIB, et devraient être réduits, fortement dans le cas de l'Allemagne. Avec 170 milliards, le Japon bénéficie du troisième excédent mondial mais celui-ci ne représente que 3 % du PIB et le pays ne serait donc pas soumis aux nouvelles exigences. L'initiative américaine n'implique pas également un réalignement majeur des devises. L'Allemagne ne contrôle pas sa devise et une appréciation du yuan semble peu réaliste. Depuis 2003, la devise chinoise s'est déjà appréciée de 15 %. Parmi les pays largement excédentaires, le seul autre pays à afficher une appréciation plus importante est la Russie, un exportateur de pétrole dont l'excédent extérieur s'élève à 70 milliards de dollars. De fait, l'explosion de l'excédent extérieur de la Chine reflète plus un processus d'approfondissement industriel qu'une manipulation du yuan. Après des années d'investissements industriels majeurs, la Chine produit en interne beaucoup de composants et biens intermédiaires qu'elle avait pour habitude d'importer. Dans le même temps, elle est passée à des exportations à haute valeur ajoutée. Par exemple, le bilan extérieur des biens d'équipement s'est considérablement amélioré et enregistrait en 2008 un excédent de 230 milliards de dollars, contre un déficit de 10 milliards de dollars en 2003.De plus, la Chine a choisi de réduire son excédent extérieur en augmentant les salaires plutôt qu'en appréciant le yuan. Depuis un an, les autorités chinoises ont soutenu les demandes d'augmentations de salaires dans les secteurs d'exportation et augmenté le salaire minimum sur l'ensemble du pays. Cela permet de soutenir la consommation des foyers, de réduire les profits des exportateurs et l'excédent extérieur, qui pourrait tomber sous la barre des 200 milliards de dollars l'année prochaine, par rapport au pic de 430 milliards de dollars enregistré en 2008.Dans les circonstances actuelles, l'énorme masse de capitaux mondiaux à la recherche de taux de rendement élevés rendrait de toute façon l'appréciation du yuan difficile. On encourrait le risque qu'une appréciation modérée du yuan crée des attentes d'une plus ample appréciation à venir et entraîne une vague déstabilisante de flux de capitaux en direction de la Chine. Et cette énorme masse de capitaux reflète largement l'augmentation du déficit extérieur des États-Unis et la politique monétaire relâchée de la Réserve fédérale américaine, sujets qui ne semblent pas avoir de place sur la table des négociations du G20.La Chine trouverait plus facile de réduire son excédent extérieur par une augmentation de son faible déficit budgétaire que par une appréciation du yuan. Des dépenses publiques supplémentaires (santé, éducation...) pourraient accroître la consommation des ménages et soutenir un modèle de croissance plus équilibré. Plus important encore, l'appréciation des devises entraîne une redistribution de la demande mondiale entre les pays mais ne l'accroît pas. À l'inverse, une expansion budgétaire chinoise augmenterait la demande mondiale. La Chine pourrait se le permettre avec son taux de dette publique de 15 % du PIB.Contrairement aux Américains en 1944, la Chine, sujet principal des discussions du G20, prendra probablement des mesures pour réduire son excédent et éviter une guerre commerciale. Et la Chine et l'économie mondiale y gagneraient cependant toutes deux si ces mesures prenaient la forme d'un déficit budgétaire accru plutôt que d'une revalorisation du yuan.Par Dominique Dwor-Frecaut Stratégiste marchés émergents, Royal Bank of Scotland (Singapour)
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