John Lennon, un homme à la mère

Il faut avoir un sacré culot pour monter un tel projet. Ça tombe bien. Les producteurs d'Ecosse Films n'en manquent pas. Aussi n'ont-ils pas hésité à s'attaquer à l'une des icônes du XXe siècle, John Lennon en personne, disparu il y a trente ans exactement aujourd'hui. Et de confier la réalisation du film qu'ils ont décidé de lui consacrer à l'une des reines de l'art contemporain. Car, jusqu'ici, les photos et les vidéos de Sam Taylor-Wood - figure de proue des Young British Artists au début des années 1990, nommée au Turner Prize en 1998 -, illuminaient les musées et les plus grandes galeries internationales. Force est de constater que ce premier long-métrage baptisé « Nowhere Boy » en fait autant dans les salles obscures tant l'artiste réussit une très belle oeuvre, à la fois classique et inattendue, tendue par son intrigue mais sereine dans sa réalisation. À l'image de son travail plastique. Contre toute attente et à quelques allusions près, il n'est pratiquement pas ici question des Beatles (dont le nom n'est jamais mentionné), mais d'un adolescent nommé John, appelé à devenir John Lennon. Abandonné par son père, retiré à sa mère qui était incapable de s'en occuper, il a été élevé à Liverpool par sa tante Mimi et le mari fantasque de cette dernière, bénéficiant d'une éducation petite-bourgeoise à laquelle il se plie tant bien que mal. Mais lorsque son oncle décède, le jeune homme renoue avec Julia, sa mère, dont la personnalité est à l'opposé de celle de sa tante. Autant la première est rigide, autant cette dernière est délurée. Mimi aime Tchaïkovski, Julia l'initie au rock. John forme alors son premier groupe et commence à jouer avec un guitariste hors pair de deux ans son cadet, Paul McCartney. Sam Taylor-Wood raconte à merveille l'Angleterre des « fifties » encore hantée par la Seconde Guerre mondiale et où les classes sociales restent très marquées. Mais c'est avant tout l'histoire d'une quête identitaire qui se joue dans « Nowhere Boy ». Car John se cherche, entre sa mère, sa tante et ce père disparu. Et c'est finalement la musique qui lui permet d'être lui-même. Passée maîtresse dans l'art de l'image, la réalisatrice fait oeuvre ici aussi, déroulant son intrigue avec une extraordinaire fluidité. Peut-être justement parce que cette histoire pourrait être celle de n'importe qui. Épaulée par le directeur de la photo Seamus McGarvey (« The Hours »), elle soigne ses prises, ses couleurs, ses vues du bord de mer et ses cadrages, faisant de certaines scènes des tableaux. Elle qui avait filmé le joueur de foot David Beckham en train de dormir se révèle une directrice d'acteurs hors pair, permettant à Kristin Scott Thomas (Mimi), Anne-Marie Duff (Julia) et Aaron Johnson (John) de donner le meilleur d'eux-mêmes. Yasmine You
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