Le regard politique d'Hélène Fontanaud : Séguin, Jospin et le meurtre du père

Drôle de début pour l'année du « renouveau » promise par Nicolas Sarkozy dans ses v?ux télévisés du 31 décembre? Cette première semaine politique de 2010 a vu se télescoper le passé de deux familles : les socialistes ont assisté impuissants au retour de Lionel Jospin, 73 ans, et la droite a pleuré un de ses fils rebelles, Philippe Séguin, mort d'une crise cardiaque à 66 ans.Le père de la gauche plurielle et l'orphelin du gaullisme social ne se ressemblaient en rien. Lionel Jospin, austère et cérébral, Philippe Séguin, affectif et bouillonnant, ont traversé les années Mitterrand et Chirac aux antipodes l'un de l'autre. Cette semaine, Lionel Jospin était partout. Un documentaire et un livre. Le même titre : « Lionel raconte Jospin »? « Et se la raconte », serait-on tenté d'ajouter, tant l'exercice bute sur l'éternel péché d'orgueil de l'ancien Premier ministre, foudroyé par sa défaite du 21 avril 2002. Il évoque ce jour noir avec une étrange formule, jugeant sa responsabilité « par définition entière ». Mais il n'a pas évolué depuis huit ans et continue de juger coupable au premier chef la gauche éparpillée du premier tour de la présidentielle. Mardi soir, les amis politiques de l'ancien Premier ministre étaient conviés à une projection du film en avant-première, à Paris. Une ambiance très « Good-Bye Jospin », entre nostalgie et volonté de tourner définitivement une page, fût-elle celle de quarante ans d'histoire de la gauche.Martine Aubry, François Hollande, Vincent Peillon, Pierre Moscovici, Manuel Valls peuvent aujourd'hui logiquement apparaître comme des héritiers de l'ancien patron du PS. Oui mais voilà, Lionel Jospin n'en désigne aucun, il paraît même s'y refuser. Tous ceux qui rêvent d'être le candidat socialiste de2012 devront sans doute se résoudre à « tuer le père ».Ce meurtre symbolique, Philippe Séguin ne s'y est jamais résolu. Bien sûr, il a eu des révoltes, presque adolescentes, contre Jacques Chirac, de l'aventure des « rénovateurs » de la droite à la bataille de Maastricht, en passant par le putsch manqué au RPR en 1990. Mais, comme les socialistes d'aujourd'hui, le député d'Épinal a souffert de l'incapacité ou de l'hostilité de Jacques Chirac à se trouver un successeur. Blessé, l'homme du « Munich social », qui avait déclenché le tonnerre sur la maison Balladur, ne s'est jamais remis de ce qu'il a vécu comme un abandon au lendemain de la victoire de 1995. La politique n'a plus jamais eu le même goût et les échecs ont succédé aux défaites, des européennes de 1999 à la candidature malheureuse à la mairie de Paris, en 2001. Et, comme tout enfant déçu, Philippe Séguin a largué les amarres, rejoignant Nicolas Sarkozy? qui avait justement rejeté tout lien filial avec Jacques Chirac. Drôle de semaine, vraiment, qui s'est achevée ce vendredi avec le quatorzième anniversaire de la mort de François Mitterrand. « Nous entrerons dans la carrière quand nos aînés n'y seront plus »? Pas besoin de débat sur l'identité nationale pour se réciter ces paroles de « La Marseillaise ».
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