Les banques contribueront aux nouveaux moyens de l'AMF

Vous avez été auditionnée mercredi matin sur le projet de loi de régulation bancaire et financière en discussion au Sénat. Comptez-vous amender ce texte ?Avec ce projet de loi, la France tourne le dos à la finance dérégulée. C'est une position politique très ferme de notre part. Ce projet de loi s'articule parfaitement avec la volonté de la France d'une régulation plus forte aux niveau européen et du G20 ; c'est la déclinaison nationale d'un même projet. Mais je souhaite encore améliorer le texte. D'abord, dans le domaine des intermédiaires financiers pour renforcer la sécurité des consommateurs. Je veux me placer du point de vue du consommateur démarché et non plus raisonner par produit ou par catégorie d'intermédiaires (conseillers en investissements financiers, intermédiaires en opérations bancaires ou courtiers en assurance...). Je propose que tous les intermédiaires soient inscrits sur un registre unique, consultable par chacun des Français. Le consommateur pourra vérifier que l'intermédiaire est habilité à commercialiser les produits qu'il propose. Pour y figurer, ils devront satisfaire à des exigences d'honorabilité, de compétence professionnelle ainsi que d'assurance et de garantie financière. Ce registre sera placé sous l'autorité de l'Orias (Office du registre des intermédiaires en assurances. Je souhaite également réfléchir avec le rapporteur général de la commission des finances, Philippe Marini, à la façon d'impliquer les associations professionnelles afin qu'elles puissent jouer un rôle dans le contrôle de ces professions. Une manière supplémentaire pour les assurés et les épargnants de s'assurer de la qualité des prestataires. Le projet de loi comprend aussi un volet financement des entreprises. Faut-il s'attendre à des amendements ?Nous réfléchissons, avec la chancellerie et les sénateurs qui connaissent ces sujets, à un mécanisme de redressement express des entreprises dit « procédure de sauvegarde rapide ». C'est un perfectionnement pour accélérer et sécuriser la conclusion des procédures de conciliation les plus délicates. À l'avenir, une entreprise sur le point d'aboutir à un accord de conciliation avec les créanciers financiers pourra bénéficier d'un plan de sauvegarde express dans la plus grande discrétion. Ceci évitera de détruire inutilement de la valeur d'entreprise et de sauver plus rapidement les emplois concernés. Se dirige-t-on vers une régulation du marché du carbone ?Dans le cadre de la loi sur la régulation bancaire, je soutiendrai volontiers un amendement sénatorial qui viserait à placer le marché des quotas de CO2 sous la surveillance de l'AMF (Autorité des marchés financiers) qui aurait notamment le pouvoir de traquer les abus de marché et de les sanctionner. Le marché français du carbone, Bluenext, a l'antériorité et peut tout à fait devenir la référence européenne en la matière, à condition de devenir un véritable marché réglementé pour éviter que ne se reproduisent les fraudes qui ont eu lieu ces derniers mois.Le champ de compétence de l'AMF a déjà été élargi à la surveillance des agences de notation et des dérivés de gré à gré. Quels moyens allez-vous lui donner ?Je veux renforcer les moyens de l'AMF pour accompagner ses nouvelles missions de contrôle et de surveillance. S'agissant d'un sujet fiscal, cela figurera en loi de finances. L'Autorité des marchés financiers évalue ses besoins à 50 personnes environ. D'autre part, je souhaite que les utilisateurs directs de l'AMF participent aux frais à hauteur d'une vingtaine de millions d'euros supplémentaires par an, pour permettre à l'Autorité de s'assurer d'une base de ressources pérenne. Les banques verseraient une contribution assise sur leurs activités de marché. Une mesure quasiment indolore, mais importante au plan symbolique. Par ailleurs, les sociétés cotées paieraient une somme proportionnelle à leur capitalisation boursière. Je souhaite que ces mesures soient élaborées en concertation avec les intéressés.Toutes les entreprises seront-elles concernées ?Non. Pour ne pas pénaliser les petites et moyennes entreprise, les sociétés affichant une capitalisation boursière inférieure à un milliard d'euros seraient exonérées. En outre, elles ne seraient plus soumises au forfait à 1.000 euros sur le document de référence. Les banques s'inquiètent d'un durcissement de leurs contraintes de solvabilité susceptibles de les empêcher de financer l'économie. Qu'en pensez-vous ? Avec le G20, la France souhaite renforcer la qualité et la quantité des fonds propres des banques. Mais je suis également soucieuse, car le mode de fonctionnement de notre économie repose largement sur les financements bancaires. Il est impératif de ne pas le pénaliser en imposant des exigences excessives. Et il est également nécessaire que ces règles s'imposent à tous. Nous n'appliquerons pas les nouvelles normes de Bâle 3 si les Américains n'en font pas autant, d'autant que leurs banques participent moins que leurs homologues européennes au financement de l'économie. La taxe bancaire figurera également dans le projet de loi de finances 2011. Sur ce point, l'Europe peine à trouver un consensus...Effectivement c'est laborieux. Certains ont déjà mis en place cette taxe, d'autres l'ont en projet. C'est le cas de la Suède, de la Grande-Bretagne, de l'Allemagne, de la France, des Pays Bas et de la Hongrie. C'est son affectation qui divise. La Commission souhaiterait obliger tous les États membres à affecter la taxe a un fonds de résolution des crises, solution que privilégie également l'Allemagne. La France, comme la Grande-Bretagne, les Pays Bas et la Hongrie, considèrent que l'aléa moral est mieux géré avec une affectation au budget de l'Etat, puisque les opérateurs n'ont pas l'assurance de disposer d'une structure qui leur viendrait en aide. Deux ans après la faillite de Lehman, la solvabilité de l'Irlande est menacée par les déboires d'Anglo Irish Bank. La crise financière peut-elle se réveiller ? La situation est toujours fragile. Il y a un dialogue permanent avec la Commission et la BCE. J'ai une grande confiance dans le talent et le sérieux du ministre irlandais des Finances pour gérer la situation.L'Europe s'est mise d'accord pour créer un comité du risque systémique. Permettra-t-il à l'avenir d'éviter l'intervention des États pour sauver une banque de la faillite ?Je l'espère bien car nous avons bataillé pour ça depuis deux ans. L'Europe continentale a pesé de tout son poids pour vaincre les réticences. Je crois en l'efficacité d'une tour de contrôle européenne pour tirer la sonnette d'alarme de façon préventive en cas de dérèglement de marché. Cette capacité de 27 pays à se mettre d'accord pour créer une autorité qui tranche en cas de désaccord et qui interprète les textes européens était tout simplement inespérée avant la crise. Sachons célébrer l'Europe dans ce qu'elle a de meilleur.
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