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Annoncée au début de l'été par François Baroin, en pleine affaire Bettencourt, la suppression de la cellule fiscale de Bercy est-elle une si bonne idée ? A priori, la décision de mettre fin à cette petite structure placée auprès du ministre du Budget, chargée de gérer les « cas » individuels en matière de fiscalité, apparaît frappée au coin du bon sens. L'objectif est de « dépolitiser », définitivement, le contrôle fiscal, de mettre fin à l'arbitraire qui risque d'entacher toute décision ministérielle dans ce domaine.Pourquoi, en effet, le ministre du Budget interviendrait-il ainsi dans des dossiers relevant d'abord de l'administration, instillant de la politique là où elle n'a rien à faire ? Le risque est immense pour lui de prêter le flanc à la critique, de se voir accusé d'aider quelque ami en lui réduisant sa facture fiscale. C'est ainsi que le soupçon dont a fait l'objet Éric Woerth, d'avoir réservé un traitement favorable à Liliane Bettencourt alors qu'il était ministre du Budget, a emporté la décision de supprimer la cellule fiscale. Celle-ci « nourrit la suspicion », a tranché l'inspection des finances, dans un rapport publié début juillet.Il s'agit d'empêcher que se renouvellent des « affaires Lagerfeld » : alors ministre des Finances, Dominique Strauss-Kahn avait été accusé d'avoir fait un gros cadeau à Karl Lagerfeld en 1999, sous forme de remise d'impôt. Même si le tribunal administratif a finalement approuvé la décision ministérielle, l'affaire est restée dans les esprits.Bref, l'annonce de François Baroin devrait faire l'unanimité... sauf que, en réalité, la suppression de la cellule fiscale, gage donné à une opinion publique que cette annonce, très vite oubliée, a laissé de marbre, ne résout rien, ou presque. Et ne rendra pas service, pas même à l'administration, dont les pouvoirs se voient théoriquement renforcés.Le ministre du Budget sera toujours le responsable ultime des décisions fiscales, comme l'admet évidemment François Baroin, dans deux circulaires qu'il vient de signer. Certes, il veut distinguer « la définition de la politique de contrôle fiscal », que le ministre en charge « assumera bien sûr pleinement », de son « application à des situations individuelles » que ce dernier « entend déléguer autant qu'il est possible ».Mais, reconnaît-il, « certaines décisions peuvent avoir un impact ou un retentissement justifiant qu'elles soient prises par l'autorité politique ». Sans parler des « décisions de remise » (réduction des exigences du fisc) ou de transaction « lorsque les sommes faisant l'objet de la demande excèdent un certain montant ». Ou des interventions des parlementaires, en défense d'un contribuable, pour lesquelles « il est d'usage républicain », comme l'admet François Baroin, que la réponse ultime porte la signature du ministre.Bref, le lien est coupé, mais... pas tout à fait. Il faudra bien que, dans toutes ces circonstances pas si exceptionnelles, le ministre du Budget demande conseil. François Baroin suggère qu'il entérinera, le plus souvent, comme c'est déjà le cas, le projet de décision soumis par l'administration. Toutefois, en cas de doute, il recueillera l'avis du « comité du contentieux fiscal, douanier et des changes », annonce-t-il. Une décision qui fait sourire les avocats fiscalistes, bons connaisseurs de la machine administrative, puisqu'ils en sont, le plus souvent, originaires. Car ce comité n'a sans doute pas la réactivité nécessaire, et peinera à vraiment conseiller le ministre. Qui devra bien faire appel, in fine, à un proche conseiller, pour trancher. Voire à plusieurs experts, en cas de surcharge. Et une cellule fiscale, alors dite... informelle, reverrait alors le jour, en catimini.Quant à l'administration, elle devrait se réjouir d'avoir enfin les coudées plus franches, s'agissant de contrôle fiscal. En fait, les hiérarques du fisc risquent de regretter la trop fameuse cellule. Car celle-ci jouait jusqu'à maintenant le rôle de soupape : les bons connaisseurs des Finances soulignent combien il est difficile à la hiérarchie de l'administration fiscale de revenir sur une décision, aussi erronée soit-elle, prise par le niveau inférieur. Il est au contraire aisé, au responsable administratif le plus gradé, de mettre sur le dos du ministre et de sa cellule la remise en cause d'un contrôle fiscal. Cette possibilité disparaît, pour une bonne part.Opération avant tout cosmétique, décidée afin de répondre à une demande supposée de l'opinion publique, la suppression de la cellule fiscale n'empêchera donc jamais les plus importants des contribuables de bénéficier d'un contact direct avec le ministre du Budget ou son entourage.ParIvan BestÉditorialiste à « La Tribune »
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