Ces chers banquiers

Ils sont passés de la lumière à l'ombre, de la réussite à l'échec, de la reconnaissance à l'oubli. En France, ils sont une dizaine de grands banquiers à avoir été évincés à cause de la crise. C'est le « Cercle des poètes disparus », ironise l'un d'entre eux. Daniel Bouton, Charles Milhaud, Dominique Ferrero, Marc Litzler. Autant de noms célèbres, parfois starisés, que la crise a balayés. Reconvertis, recasés, retraités ou à la recherche d'une nouvelle aventure, ils vivent aujourd'hui loin des projecteurs. Les jeunes retraitésL'ancien duo de choc de la Société Généralecute; Générale, formé de l'ex-PDG Daniel Bouton et son numéro deux Philippe Citerne, a quitté la banque après plus d'un an de tourmente. Le premier a créé récemment sa société de conseil. Fort de son expérience et de son carnet d'adresses, il va aider la banque d'affaires Rothschild à développer son activité de conseil en fusions-acquisitions dans le secteur financier en Europe. En attendant de toucher sa généreuse retraite chapeau l'année prochaine, il consacre son (nouveau) temps libre à ses passions que sont l'opéra et le golf. Son ancien acolyte, Philippe Citerne, multiplie pour sa part les postes de « conseiller de luxe ». Il est notamment membre du comité consultatif de cabinet de conseil en stratégie Bain & Co et de celui de la banque d'affaires Perella Weinberg. L'ancien « chouchou » des salariés de la SocGen est aussi président de l'École de télécommunications d'Ivry. Philippe Citerne se dit en tout cas ravi de sa nouvelle vie : « Je suis très heureux de voir qu'il y a encore des gens qui veulent utiliser mon expérience bancaire », lance-t-il, non sans une pointe d'ironie. Pour sa part, Dominique Ferrero est bien décidé à se faire oublier après trois années d'enfer passées à la direction générale de Natixis, la banque plombée par 35 milliards d'euros d'actifs toxiques. Ce féru de littérature et d'art se contente aujourd'hui d'un poste d'administrateur chez Vinci et d'un strapontin provisoire chez Natixis, comme conseiller auprès du nouveau président, François Pérol. Décidément politiqueÉjecté manu militari par son conseil de surveillance, sous la pression de l'Élysée, après l'annonce d'une perte de trading de 750 millions d'euros, l'ancien président des Caisses d'Épargne Charles Milhaud a bien du mal à changer de vie. Après quarante années passées chez l'Écureuil, « Charles », comme ses amis l'appellent, a écrit un livre pour dénoncer le complot dont il aurait été victime de la part des « barons » du groupe. Habitué aux man?uvres politiques, Charles Milhaud reste conseiller municipal à la mairie de Marseille, où il développe les relations de la ville avec les pays du sud de la Méditerranée. Le philanthropeC'est assurément une surprise pour ceux qui ne le connaissent pas mais une reconversion naturelle pour ses proches : Jean-Pierre Mustier, ancien patron de la banque d'investissement de la Société Généralecute; Générale, star des marchés financiers déchue par l'affaire Kerviel, a choisi la rupture. Après avoir gagné énormément d'argent, il a décidé de travailler bénévolement. Une pratique courante dans le monde anglo-saxon mais encore exceptionnelle dans notre univers latin. Ses nouvelles activités sont multiples : il conseille plusieurs grandes entreprises européennes et des fonds de pension américains, il aide Science po à peaufiner son programme de finances pour les étudiants et fait profiter de son carnet d'adresses et de son savoir-faire des entrepreneurs sociaux comme Blue Venture. À ses employeurs, Jean-Pierre Mustier demande de reverser ses rémunérations à des ?uvres caritatives. Selon ses proches, il a décidé de faire un « break » avec le monde de la finance en attendant l'issue de l'enquête ouverte par l'Autorité des marchés financiers sur la vente d'actions Société Généralecute; Générale. L'oubliéUn inspecteur des finances ne meurt jamais. Après avoir quitté les Banques Populaires en février dernier, son ancien directeur général Bruno Mettling a réintégré son corps d'origine. En attendant un second souffle dans sa carrière, il a été mandaté par la ministre de l'Économie, Christine Lagarde, pour réaliser un rapport sur les aides à la presse. Ancien membre du cabinet de Dominique Strauss-Kahn à Bercy, Bruno Mettling pourrait bientôt rebondir dans une grande entreprise française mais qui ne sera pas une banque ! Les recasésL'ex-directeur général de l'Écureuil, Nicolas Mérindol, évincé en même temps que Charles Milhaud à l'automne 2008, est vite retombé sur ses pieds. Il a pris la direction de l'ensemble des activités françaises de la petite banque d'affaires italienne Leonardo, créée et dirigée par l'ancien ténor de Lazard, Gerardo Braggiotti. Une façon de tourner la page des Caisses d'Épargne et sans doute de tourner le dos à une image d'ambitieux et de fonceur à tout prix. Son directeur financier de l'époque, Julien Carmona, a quant à lui réussi la meilleure reconversion à ce jour. Mis en cause dans la perte de trading du groupe, l'ancien conseiller économique de Jacques Chirac à l'Élysée avait dû quitter le groupe bancaire quelques mois plus tard. Même si beaucoup lui en tiennent rigueur, Julien Carmona a su préserver sa réputation de bon financier. C'est pourquoi il a pu aisément se recaser chez le réassureur Scor comme directeur général délégué. Le voyageurGénie des maths (polytechnicien), riche, bel homme, amateur de Ferrari, l'ancien patron de Calyon Marc Litzler a incarné pendant des années l'archétype du « trader triomphant ». Il a été évincé au printemps 2008 pour avoir mené une stratégie de croissance jugée trop ambitieuse lorsque la crise financière a éclaté. Pendant un an, il a coupé doucement les ponts. Conseiller du directeur général de Crédit Agricolegricole, Georges Pauget, dont il est un proche, il est resté président du conseil d'administration de Newedge, le courtier qu'il a créé en 2007. Mais, depuis l'été dernier, il a abandonné toutes ses fonctions. Les « breaks » ne lui font pas peur, lui qui avait déjà passé deux années « sabbatiques » après son départ de la Générale en 2003, où il fut l'un des bâtisseurs de l'activité dérivés actions. Tout juste marié, entre deux voyages, il prend soin toutefois de garder le contact avec ses amis traders et banquiers, histoire de ne pas trop s'éloigner de la planète finance. En attendant peut-être d'y revenir. Le footballeurIl a été la première victime de la crise en France. En septembre 2007, Calyon perd 230 millions d'euros dans ses activités de crédit à New York. Toute la ligne hiérarchique est évincée, dont le patron, Loïc Fery. Deux ans plus tard, il mène une double vie. La semaine, il dirige le hedge fund Chenavari, qu'il a fondé en 2008 à Londres sur les produits de crédit. Preuve de sa réussite, il vient juste de reprendre une petite équipe de la Société Généralecute; Générale. Ce métier, il le connaît depuis plus de dix ans. Mais ses week-ends sont consacrés à sa passion, le football. En août dernier, Loïc Fery a ainsi racheté 75 % du club de Lorient. Une arrivée retentissante dans un milieu où les financiers sont rares. Seul Sébastien Bazin, président du fonds américain Colony en Europe, actionnaire du Paris-Saint-Germain, a sauté le pas. Pour le moment, Loïc Fery se débrouille pas trop mal puisque les « Merlus » sont sixièmes du championnat de France !
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