Pourquoi le SPD allemand veut bloquer l'aide à Chypre

C\'est un nouveau casse-tête pour Angela Merkel... et pour l\'Europe. Selon le quotidien munichois Süddeutsche Zeitung, le parti social-démocrate SPD refuserait de voter en faveur d\'une quelconque aide européenne à Chypre. «Je ne peux pas m\'imaginer que les contribuables allemands sauvent les banques chypriotes dont le modèle est fondé sur l\'évasion fiscale», a martelé le secrétaire général du SPD Sigmar Gabriel. Un peu plus tôt, les Verts avaient également émis des réserves sur l\'aide à Nicosie.17,5 milliards d\'euros d\'aide pour Chypre Chypre a demandé une aide européenne de 17,5 milliards d\'euros, soit l\'équivalent de son PIB, l\'an passé. Après plusieurs mois de longues et difficiles négociations, Nicosie a adopté en fin d\'année un plan d\'austérité qui se soumet aux exigences de l\'UE pour pouvoir prétendre recevoir cette aide du MES. Ces fonds sont nécessaires en raison de la situation des banques chypriotes, rudement touchées par la crise grecque et les restructurations de la dette hellénique. Sur les 17,5 milliards d\'euros de l\'aide, 12 milliards d\'euros devront aller renflouer les banques chypriotes.Chypre, plate-forme financièreLa critique de Sigmar Gabriel n\'est pas entièrement fausse. Chypre est une plate-forme financière qui a attiré au cours des dernières décennies l\'argent grec, moyen-oriental et ex-soviétique grâce à des taux d\'imposition faible. C\'est aussi la première étape pour la construction de montages «d\'optimisation fiscale» dans d\'autres paradis fiscaux. Les oligarques de l\'ex-URSS ont été les plus friands de ce type de montages et grâce aux banques, Chypre est officiellement le premier investisseur en Ukraine et en Russie. Mais c\'est argent est en réalité de l\'argent russe et ukrainien qui revient au pays, via Chypre. Du reste, Moscou avait accordé en 2011 un prêt de 2,5 milliards d\'euros pour tenter de maintenir Nicosie à flot. Mais cette fois, la Russie ne semble plus décidée à mettre la main à la poche.L\'obligation d\'en passer par le BundestagComme le prévoient les décisions de la Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe, le représentant allemand au conseil d\'administration du Mécanisme européen de Stabilité (MES) ne peut se prononcer sur le déblocage d\'une nouvelle aide sans l\'accord du Bundestag. Or, sans l\'accord du représentant allemand (qui pèse 29% des droits de vote), la majorité qualifiée nécessaire (73,9% des droits de vote) ne peut être atteinte. Autrement dit, sans l\'accord du Bundestag, pas de feu vert à l\'aide à Chypre.Pas de majorité pour MerkelL\'ennui, c\'est qu\'Angela Merkel ne peut compter sur sa propre majorité pour adopter cette aide au Bundestag. Depuis 2010, chaque accord du parlement sur les sujets européens a été obtenu grâce à l\'adhésion du centre-gauche, Verts et Sociaux-démocrates. Lors du dernier vote en novembre 2012 sur les nouvelles mesures de soutien à la Grèce, il manquait ainsi 14 voix à la majorité libérale-conservatrice de la chancelière. Autrement dit, sans les voix du centre-gauche, l\'aide à Chypre devrait s\'arrêter sur le bureau du Bundestag. Or, certains membres de la coalition comme le chef du groupe de la CSU bavaroise Markus Ferber a réclamé une garantie que «nous n\'aiderons pas les oligarques russes, mais bien les citoyens chypriotes.»Espoirs d\'un accordQuelle peuvent être les conséquences d\'un tel refus du Bundestag? Il n\'est, d\'abord, pas acquis. En théorie, l\'aide à Chypre doit être validée par les ministres des Finances de la zone euro le 10 février prochain. Angela Merkel va sans doute s\'employer entre-temps à durcir les conditions imposées à Nicosie et à ses banques et à bâtir un compromis avec l\'opposition. Certes, en période de campagne électorale, le SPD n\'a pas l\'intention de céder trop avant. Mais il ne doit pas insulter l\'avenir qui pourrait bien prendre la forme d\'une «grande coalition» avec la CDU en septembre prochain... Bref, la possibilité d\'un vote favorable du Bundestag n\'est donc pas à écarter.Danger pour l\'EuropeMais si le SPD tenait bon, la situation pourrait prendre un tour plus difficile. Chypre n\'aurait pas d\'autres moyens pour sauver ses banques que de sortir en catastrophe de la zone euro et d\'émettre de la dette en nouvelles livres chypriotes. Ou bien de laisser ses banques faire faillite. Mais ce serait la ruine pour la petite république qui, outre le tourisme, est très dépendante de son secteur financier. Dans tous les cas, ce serait un échec pour l\'Europe et un dangereux précédent qui ne manquerait pas de relancer les doutes sur la cohésion générale de la zone euro. 
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