Pendant que les Français s'embrouillent, les Chinois mettent les bouchées doubles dans le nucléaire ... avec Westinghouse

Pendant que EDF et Areva n\'en finissent pas de négocier la façon dont ils vont (ou pas) travailler avec les Chinois, sur fond de méfiance nationale sur les éventuels transferts de technologie, le programme nucléaire chinois reprend de plus belle. En début de semaine, les autorités chinoises ont confirmé la reprise, en décembre dernier, des travaux de construction de ce qu\'elles présentent comme le « plus important projet nucléaire de Chine », dans la baie de Shidao, dans la province du Shandong. Leur vaste programme s\'appuie notamment sur les transferts de technologies consentis par Toshiba-Westinghouse.La Chine, premier pays du monde à disposer de la 4e génération en 2017 ?A Shidao, est prévu d\'abord un réacteur de recherche de deux fois 100 MW présenté comme appartenant à la 4e génération, qui doit entrer en service « avant la fin 2017 ». Spectaculaire, cette annonce ferait de la Chine le premier pays au monde à disposer d\'un prototype industriel de la future génération nucléaire. La France et le Japon, les deux pays les plus avancés dans leur recherche sur cette génération - qui devrait consommer moins d\'uranium et produire moins de déchets -, ne tablent pas sur un tel prototype avant 2020.\"Ce réacteur ne répond pas aux critères de la 4e génération\"« Nous ne savons pas si ce futur réacteur chinois répond vraiment aux critères de la génération IV », doute à haute voix, sous couvert d\'anonymat, un responsable du programme français. « Le réacteur de Shidao, qui appartient à la filière HTGR (réacteur refroidi au gaz à haute température) affiche une température du gaz, à la sortie, de 750°C. La génération IV prévoit une température de 850 à 900°C, niveau indispensable pour obtenir les rendements importants qui sont la caractéristique de cette nouvelle génération ».Un programme de construction revu à la baisse ... de 58.000 MW !Peut-être. Cette annonce illustre cependant l\'ambition de la Chine en matière de nucléaire. \"Ce réacteur figure parmi les grands projets scientifiques de la Chine, comme le développement de l\'avion gros-porteur et la prospection lunaire\", souligne un quotidien chinois. Ce réacteur est issu de la recherche de l\'université de Tsinghua. Son budget est de 480 millions de dollars. A côté de cette recherche chinoise, le pays a repris en octobre dernier son programme de construction, interrompu depuis Fukushima, en le révisant marginalement à la baisse. Actuellement, le pays compte 16 réacteurs en fonctionnement (pour une capacité de 12.000 MW) et une trentaine en construction (environ 26.000 MW).\"CAP 1400\", le premier réacteur chinois de génération 3 est lancéAvant 2008, Pékin avait prévu de disposer de 40.000 MW en 2020. Enthousiaste pour cette source d\'énergie qui lui semblait pouvoir accroître son indépendance énergétique à terme, la Chine avait ensuite relevé à 70-80.000 MW ses ambitions pour 2020. Après Fukushima, ses objectifs sont « revenus » à 58.000 MW d\'ici 2020. Une visée néanmoins considérable. Pour y parvenir, Pékin table essentiellement sur la technologie de Toshiba-Westinghouse. Les électriciens chinois sont en train de mettre la dernière main à leur premier réacteur de 3e génération totalement chinois, le « CAP 1400 », dérivé de l\'AP 1000 de Westinghouse.Toshiba-Westinghouse a cédé les droits de l\'AP 1000Fin 2006, le constructeur nucléaire américain, désormais propriété du japonais Toshiba, avait été préféré à Areva. Il avait vendu à la Chine quatre exemplaires de son modèle de 3e génération, AP 1000, qui était en même temps devenu officiellement « le standard » pour les futures centrales chinoises. Fin 2007, Areva, tardivement allié à EDF, avait signé la vente de deux EPR. Entre les deux, Westinghouse avait accepté de transférer leur AP 1000 aux Chinois qui pouvait en faire ce qu\'il voulait mais uniquement sur le marché domestique. Dans la foulée, Pékin avait prévu la construction d\'une vingtaine d\'AP 1000. Ce programme a été ramené à une dizaine, dont les 4 réacteurs prévus à Shidao. A noter, la presse chinoise qui rapporte l\'information du redémarrage du projet de Shidao, prévu sur une vingtaine d\'années, affirme que le budget pour les 4 AP 1000 s\'élève à 100 milliards de yuans, soit environ 12 milliards d\'euros. Une estimation optimiste.Pékin travaille sur la prochaine étape : un 1.700 MWEntre-temps, les électriciens chinois ont lancé leur « CAP 1400 », une version de 1.400 MW sur la base technologique de l\'AP 1000, donc. En 2010, soit avant Fukushima, ils tablaient sur une première construction qui débuterait en 2013, toujours sur ce même site de Shidao. Une première commande de pompes de refroidissement a été passée fin 2011 à un équipementier allemand en co-entreprise avec un industriel chinois, SEC-KSB Nuclear Pumps and Valves. Pékin travaille déjà sur la prochain étape : un réacteur 1.700 MW, de même puissance que l\'EPR français.Les Français avaient fait pareil... en 1995Les Français ont joué au même jeu quelques années auparavant. Après avoir construit les deux premiers réacteurs du pays, à Daya Bay à partir de 1984, Framatome (devenu Areva) et EDF ont vendu et construit à partir de 1997 deux autres réacteurs de deuxième génération, à Ling Ao. Les Français ont alors vendu aux Chinois les droits de ce réacteur, qui a servi de base technologique au modèle en cours de déploiement dans l\'Empire du Milieu, le CPR 1000, en construction sur au moins cinq sites.Aujourd\'hui, EDF et Areva négocient âprement pour savoir comment ils vont co-développer avec les Chinois un réacteur de 1.000 MW de troisième génération. Mais ces derniers en ont-ils encore besoin?
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