Le yen redevient la monnaie la plus faiblement rémunérée du monde

Il faudra faire abstraction des premières semaines de mars, marquées par des rapatriements de capitaux massifs pour le bouclage des bilans de la fin de l'année fiscale japonaise le 31 du mois, pour juger de l'état de santé réel du yen. Car ces rentrées de capitaux provoquent chaque année un raffermissement temporaire du yen en cette période de « window dressing ». Et elles devraient être particulièrement importantes en 2010, du fait d'un assouplissement de la fiscalité. Selon le stratège changes de JP Morgan Chase à Tokyo, les rapatriements de capitaux totaliseraient 1.500 milliards de yens, soit 16,6 milliards de dollars. De fait, depuis le début de la semaine, la monnaie de l'archipel s'est raffermie face à la plupart des grandes devises, refranchissant notamment le cap de 90 yens pour 1 dollar et de 122 yens face à l'euro, lui-même à nouveau en perte de vitesse vis-à-vis du billet vert.éléments défavorables au yenMais cette reprise ponctuelle masque le développement de deux nouveaux éléments très défavorables au yen. Il y a d'abord cette rumeur insistante selon laquelle la Banque du Japon étudierait de nouvelles mesures d'assouplissement monétaire quantitatif, qu'elle pourrait annoncer à l'issue de la réunion de son conseil des 16 et 17 mars. Mais c'est surtout le retour à un statu quo ante de longue date sur les taux, après une interruption de six mois, qui pourrait changer la donne pour le yen, dont la résistance récente a surpris plus d'un économiste, dans un pays qui se débat avec une déflation coriace.Assorti des taux directeurs les plus bas du monde industrialisé, la Banque du Japon pilotant le taux au jour le jour à 0,1 % depuis décembre 2008, le yen est redevenu la monnaie la moins rémunérée du monde mesuré par les taux Libor 3 mois, véhicule le plus utilisé dans les stratégies de « carry trade », consistant à jouer sur les écarts de rendements. Pour la première fois depuis août, le coût d'un emprunt en yens à 3 mois sur le marché interbancaire est retombé en dessous de celui qui assortit le dollar. Lequel dollar fut un moment le vecteur privilégié des stratégies de portage, au point de le faire retomber fin novembre jusqu'à 1,51 pour 1 euro, au plus bas depuis septembre 2008 et surtout 86,40 yens, un plancher depuis avril 1995. Bien que l'écart entre le Libor en yen et le Libor en dollar (0,251 % contre 0,252 %) soit encore infime, l'inversion est psychologiquement importante pour les investisseurs, car le yen, assorti de taux inférieurs à 1 % depuis 1995, est de longue date la monnaie de financement stratégique des positions de « carry trade ». C'est donc une bombe à retardement qui menace le yen, d'autant que les taux japonais resteront durablement plus bas que ceux des autres États du G7. Isabelle Croizard
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