photographie

Le chanteur Renaud ne s'y était pas trompé?: «?C'est pas l'homme qui prend la mer, c'est la mer qui prend l'homme.?» Elle a pratiquement pris Jean Gaumy au berceau. Ce qui a permis à ce photographe de réaliser des tirages en noir et blanc exceptionnels tant ils plongent les spectateurs au coeur de la vie à bord de chalutiers. Dans les tempêtes aussi tandis que le gros grain de ses images nous éclabousse comme le ferait la houle. Car il n'est pas, avec lui, question de photos léchées prises d'hélicoptères excités mais de tirages bruts, à hauteur d'hommes des mers plongés au coeur des éléments déchaînés. Des épreuves noires, sombres, qui racontent l'enfermement, la promiscuité, les vagues gigantesques, prêtes à confisquer la vie. Pour ces photos regroupées au sein de l'album «?Pleine Mer?», le jury du prix Nadar a décerné à Jean Gaumy le prix du meilleur livre de photographie de l'année 2001. Et l'on retrouve aujourd'hui plusieurs de ces tirages au sein de l'excellent Photopoche qui lui est consacré.«?Je suis un mec de la côte, confirme le photographe. Et je suis le vent.?» Né en 1948 du côté de Royan, pêcheur dès ses plus jeunes années, Jean Gaumy a pensé intégrer l'École de la marine marchande du Havre en 1969, avant d'opter pour des études de lettres. Ce qui ne l'empêche pas de fréquenter régulièrement les chalutiers, appareil en main. «?En mer, on n'est pas libre mais on s'écarte des choses qui vous asservissent, confie-t-il. Et on assume les libertés qu'on s'est choisies. » Comme celle de vivre en huis clos. L'enfermement est au coeur du travail de Gaumy. En 1975, il réalise une série sur l'hôpital. Deux ans plus tard, sur une prison française. Une première. Sur un bateau, pourtant, pas question de faire du reportage. «?Certes, les chalutiers que j'ai immortalisés n'existent plus aujourd'hui, mais en mer je retrouve d'abord ce qui me hantait enfant. Au milieu du monde, je renoue avec les fantasmes et les angoisses d'alors. J'essaye de capter le temps passé, de m'imprégner des lieux. » Finalement, c'est peut-être la pêche qui l'a le mieux armé pour la photographie. «?Quand je prends ma canne, il n'est question ni de concept ni d'obligation de résultat, souligne-t-il. Il faut accepter cela aussi pour la photo.?»Le travail réalisé en mer, et notamment à bord du remorqueur « Abeille-Flandre », a permis à Jean Gaumy d'obtenir le titre de peintre de la marine, ce qui lui a ouvert les portes d'un sous-marin nucléaire d'attaque lors d'une plongée de quatre mois dans le cadre d'une mission militaire classée secret-défense dont il a tiré un film en 2006, « Sous-marin ». Depuis, il a beaucoup travaillé sur la montagne et publie aujourd'hui « D'après nature », sur le sujet. « C'est un autre type d'océan », souffle-t-il.Yasmine You
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.