La grande misère de la coopération industrielle

La coopération économique sera au menu de ce treizième conseil des ministres franco-allemand à Fribourg. Nicolas Sarkozy, comme Angela Merkel, viendront accompagnés d'une brigade de chefs d'entreprises : les PDG de Lafarge, Saint-Gobain, Air Liquide ou Orange côté français, ceux de Lufthansa, de ThyssenKrupp ou encore Deutsche Telekom côté allemand. Mais au-delà des sourires et des félicitations officielles de rigueur, force est de constater que les relations industrielles entre les deux pays sont loin d'être au beau fixe. L'actualité sera venue le rappeler aux deux dirigeants. Lundi, le Land de Bade-Wurtemberg a accéléré le retrait d'EDF de l'opérateur énergétique EnBW en rachetant une participation de 45,1 % qu'il lui avait partiellement cédé voici dix ans. Cette « re-nationalisation » régionale est un constat d'échec : les politiques locaux n'ont jamais permis à EDF de se sentir chez lui dans EnBW, et jamais EDF n'a vraiment convaincu dans sa gestion du groupe. D'où quelques amertumes et le sentiment, à Karlsruhe et à Stuttgart, d'une libération avec le départ des Français. Divergences Cette affaire n'est qu'une péripétie de plus dans la longue litanie des divergences industrielles franco-allemandes. Peter Löscher, le patron de Siemens, qui sera aussi aujourd'hui à Fribourg, pourra en témoigner. Son groupe est actuellement englué dans deux interminables querelles avec des groupes français : avec Alstom qui conteste la victoire de l'allemand dans un appel d'offres de trains pour Eurostar et avec Areva, dont il veut divorcer dans le nucléaire. Les gouvernements ne jouent d'ailleurs pas toujours l'apaisement et Paris, si prompt à assurer de son amitié avec Berlin, ne cache pas son soutien à Alstom et Areva. Même dans le domaine de l'environnement, pour lequel les deux pays avaient énoncé un programme ambitieux de coopération, la tension est évidente. Le programme Desertec, qui a l'ambition de développer les énergies renouvelables, notamment le solaire, en Afrique du Nord pour fournir de l'électricité à l'Europe est un projet allemand, soutenu par la fine fleur de l'industrie allemande, même si Saint-Gobain l'a rejoint. Mais les Français ont leur riposte, baptisée Medgrid, un projet de réseau de transmission d'électricité sous la Méditerranée. Officiellement, chez Desertec, on affirme que Medgrid est un projet « complémentaire ». Mais le caractère « national » des deux programmes saute aux yeux et en arrière-plan, l'enjeu est bien celui de l'influence en Afrique du Nord. Bref, la coopération industrielle est en panne. Il est vrai qu'entre une Allemagne industrielle à qui rien ne résiste et une France sur la défensive, la place pour la coopération est sans doute fort étroite. Romaric Godin, à Francfort
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