La chance de M. Osborne

Le petit sourire en coin, que ses opposants voient comme de l'arrogance, est toujours là. Mais cette fois-ci, George Osborne peut se le permettre. Le chancelier de l'Échiquier britannique affiche depuis son arrivée au pouvoir un sans-faute à faire pâlir d'envie ses collègues de la zone euro.À la surprise (presque) générale, l'économie britannique se maintient à un niveau solide en cette fin d'année 2010. Après le rebond du deuxième trimestre (+ 1,2 %), qui était en grande partie un effet de rattrapage, la croissance s'est maintenue au troisième trimestre (+ 0,8 %). Et tout indique que cela va durer jusqu'à Noël. Le NIESR, un institut de recherche économique très respecté, évalue la croissance entre septembre et novembre à 0,6 %. « La croissance est actuellement autour de la tendance de long terme de l'économie britannique », affirme l'institut.Dans une telle ambiance, le budget d'extrême rigueur présenté en octobre semble particulièrement bien vu. Personne ne conteste que le Royaume-Uni ne doive réduire ses déficits, actuellement à près de 11 % du PIB. Mais l'inquiétude était qu'il était trop tôt pour couper les dépenses de l'État, risquant une rechute économique. Cela ne semble pour l'instant pas le cas. D'autant que la tempête dans la zone euro semble donner raison à George Osborne. « Le gouvernement avait absolument raison de sortir le Royaume-Uni de la zone de danger », se vante-t-il.La bonne santé de l'économie britannique vient en partie du secteur manufacturier (qui représente, on l'oublie toujours, le même poids économique qu'en France). Celui-ci progresse de presque 6 % sur un an. L'explication : la forte dévaluation de la livre sterling au début de la crise fait enfin sentir ses bienfaits. Les exportations, après avoir longtemps été décevantes, semblent finalement décoller.La vraie surprise de 2010 est cependant venue des consommateurs britanniques, qui se sont remis à dépenser. Est-ce le chômage qui n'a pas augmenté autant que prévu, se stabilisant à 8 % ? Est-ce les taux d'intérêt qui à seulement 0,5 % sont une aubaine pour les Britanniques qui ont un prêt immobilier à taux variable (une majorité d'entre eux) ? Toujours est-il que les Britanniques ont retrouvé confiance et réduit leur taux d'épargne par rapport à 2009.Sauf que, dans son optimisme, George Osborne oublie un petit détail de 81 milliards de livres (95 milliards d'euros), le montant des coupes budgétaires sur les quatre prochaines années : l'austérité n'a pas encore commencé. Pour l'instant, la rhétorique antidéficit n'est que des belles paroles. La politique économique de George Osborne n'a eu aucun effet réel (sauf sans doute sur la confiance des marchés).Les vraies difficultés vont commencer au 1er janvier 2011, quand la TVA va augmenter de 17,5 % à 20 %. La relative bonne santé de la consommation, en cette période de Noël, vient en grande partie de là : les Britanniques ont avancé leurs dépenses. Puis, les réductions budgétaires rentreront vraiment en vigueur le 1er avril 2011 (l'année fiscale britannique est d'avril à mars), sous forme de poisson d'avril pas drôle. Les dépenses d'investissement nominales de l'État vont s'effondrer de 40 % sur les deux prochaines années, selon les calculs de Goldman Sachs. L'essentiel de cet argent va d'habitude dans le BTP (construction d'écoles, de routes...). Le secteur va subir un sérieux coup.Ce n'est pas le seul nuage à l'horizon. Les prix immobiliers rechutent depuis quelques mois, un très mauvais signe dans ce pays obsédé par la propriété. De plus, les PME ont de sérieuses difficultés à accéder à des prêts bancaires. Enfin, la relance par les exportations peut être sérieusement compromise si la zone euro rencontre de réels problèmes.Tout cela pose une question cruciale : comment les ménages vont-ils réagir aux coupes budgétaires ? La réponse est que personne n'en sait rien. Les prévisions des économistes pour l'année prochaine vont d'une croissance du PIB britannique de 0,9 % à 3,1 %. Du simple au triple ! Il y a autant d'économistes que de prévisions, et celles-ci tiennent plus de la profession de foi que de l'analyse scientifique.L'Office for Budget Responsability, l'organisme public « indépendant » chargé des prévisions officielles du gouvernement, se veut bien sûr optimiste. Il prévoit une croissance de 2,1 % en 2011, puis de 2,6 % en 2012. Avec un nom qui sonne comme un organe de propagande nord-coréen, cela ne surprend guère. Si c'est le cas, George Osborne pourra se vanter d'avoir fait le bon choix, au bon moment. Sinon, il va devoir ravaler son sourire en coin.Par Éric Albert Correspondant à Londres
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