Les marchands, ces aventuriers méconnus

Savoureuse invitation au voyage. De Venise, devenue une « véritable économie monde » à partir du XIIe siècle, à Troyes, centre financier de l'Europe en 1250, de Lisbonne d'où est né le temps des cartographes au XVe siècle à Amsterdam où fut inventé le capitalisme... Le seul énoncé de quelques-uns des chapitres du « Temps des comptoirs » nous appellent à une « relecture amoureuse » de l'histoire par deux économistes qui s'offrent une escapade pour oublier leur « romantisme quotidien » désormais réduit... à « des écrans de salles de trading ». Il n'est pas question pour Phillipe Chalmin et Alessandro Giraudo de faire un ouvrage savant et exhaustif. Mais en nous racontant le destin d'une trentaine de villes qui ont joué les catalyseurs du développement et du rayonnement de royaumes, d'empires ou de territoires, ils réveillent l'appétit de connaissance des plus rétifs à la lecture. Et accompagnent leurs récits d'une riche iconographie propre à ré-enchanter le lecteur.Fut un temps où les marchands, par leur goût du risque, de l'imagination et du profit ont bravé les dangers des routes terrestres puis maritimes qui ont relié l'Orient à l'Occident puis l'Occident à l'Afrique, à l'Asie, au Nouveau Monde. Plus que les soldats de fortune, les « vrais aventuriers de l'histoire » ce sont, pour nos deux auteurs, « le marchand hanséatique hivernant à Novgorod dans l'attente de fourrures », « le caravanier acheminant du sel ou des esclaves vers Tombouctou » ou « le marchand indien tapi dans son entrepôt de Malacca ». Des aventuriers réhabilités par Fernand Braudel pour qui le temps du commerce et la logique des échanges a façonné l'histoire, tout autant que les luttes de pouvoir entre les puissants, telles qu'on les apprend à l'école.Le titre même, « Le temps des comptoirs » ne recouvre qu'une partie de cette conquête du monde. Mais c'est celui qui a paru le plus évocateur à nos deux auteurs : le comptoir, c'est la table sur laquelle sont pesées les monnaies d'argent et d'or mais aussi la maison où se réunissent les marchands par nationalité, et le magasin où, à l'embouchure d'un fleuve, s'échangent les marchandises et parfois les esclaves. Les comptoirs, qui ont duré de quelques décennies à quelques siècles, auront rythmé les différentes phases de mondialisation qu'a connues la planète. Leur histoire nous donne la mesure de l'accélération du temps et de l'espace que nous connaissons aujourd'hui. F. C. « Au temps des comptoirs. Les marchés à la conquête du monde », Philippe Chalmin et Alessandro Giraudo, François Bourin Éditeur, 204 pages, 39 euros.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.