La fusion IR-CSG, une bombe fiscale ?

Fusionner l'impôt sur le revenu et la CSG... Que Marine Le Pen reprenne maintenant à son compte cette idée, quasiment aussi vieille que la contribution créée par Michel Rocard (en 1991), montre à quel point elle a infusé. Tout le monde ou presque a été, est ou sera un jour partisan de cette grande fusion des deux premiers impôts directs. Les socialistes, qui l'ont placée en bonne place dans leur projet, y voient la possibilité de rendre la fiscalité plus juste, en redonnant de la progressivité à la CSG - concrètement, en allégeant le fardeau des moins aisés, et en alourdissant celui des autres -, alors qu'à droite les partisans de cette réforme défendent l'idée d'une clarification et d'une rationalisation fiscale. C'est à se demander pourquoi ce rapprochement n'a pas déjà eu lieu. Pour les gouvernements, à l'heure de franchir le pas, il existe quelques raisons d'hésiter. Car les choix à faire sont lourds de conséquences...Certes, sur le papier, le projet a tout de l'évidence. Même si son produit est affecté au financement de la Sécurité sociale, comme s'il s'agissait d'une cotisation, la CSG est, de fait, un impôt sur le revenu - appelé à trancher ce débat, le Conseil constitutionnel a fini par en juger ainsi. Comment justifier cet autre particularisme français, l'affichage de deux impôts quasiment de même nature, la CSG et l'IR ? En outre, la CSG a tout de l'impôt moderne : elle est retenue à la source, son assiette est large - tout le monde la paie, sans exception -, ce qui autorise un rendement élevé avec des taux relativement faibles. Appliquons donc ces caractéristiques à un grand impôt sur le revenu, digne du XXIe siècle, en lieu et place d'un IR croupion, miné par les niches fiscales, disent les partisans de la réforme. Au passage, d'un point de vue symbolique, cela mettrait fin au discours sur cette moitié de Français qui ne paie pas l'impôt. Comme dans la vie des affaires où, en cas fusion, c'est le plus souvent une entreprise qui absorbe l'autre, ce serait donc la CSG qui absorberait l'impôt sur le revenu. Au lieu d'être proportionnelle, elle deviendrait simplement progressive, avec des taux de plus en plus élevés à mesure que le revenu augmente. Simplissime... comme l'est la proposition de l'économiste Thomas Piketty (« La Tribune » du 21 janvier), source d'inspiration aussi bien du PS que de Marine Le Pen. Sauf que, à considérer le dossier d'un peu plus près, les difficultés surgissent, en rafales. La CSG est un impôt individuel, l'impôt sur le revenu est au contraire familialisé. Comment faire ? Individualisons l'impôt, a longtemps défendu Martine Aubry. Cela mettrait fin à une vision archaïque du salaire de la femme mariée jugé comme un appoint, risquant d'être surtaxé si le premier salaire, celui de son époux, est déjà important. S'agissant du nombre d'enfants, en lieu et place du quotient familial, il suffit de mettre en place un crédit d'impôt. François Hollande a souligné les risques de cet impôt inviduel, qui alourdirait la facture de beaucoup de couples modestes - là n'est pas vraiment l'objectif des socialistes : souvent, aujourd'hui, la faiblesse ou l'absence du deuxième salaire réduit nettement l'impôt calculé pour l'ensemble du foyer fiscal.Et les instances socialistes ont tranché. Ces deux propositions phares de la réforme dite Piketty - individualisation et suppression du quotient familial -, « le PS n'y est pas favorable », déclare à « La Tribune » l'un des principaux concepteurs de son projet économique, Michel Sapin. Il opte donc pour une proposition moins radicale qu'envisagé auparavant. « Nous verrons dans un second temps », explique-t-il. L'autre question majeure soulevée par la fusion est celle des niches fiscales. Si la CSG absorbe purement et simplement l'impôt sur le revenu, alors celles-ci disparaissent. Toutes. Un tel maximalisme est-il envisageable ? Peut-on supprimer, du jour au lendemain, par exemple, la réduction d'impôt pour emploi à domicile, qui joue à l'évidence un rôle économique important ? « Cela me paraît difficile », répond Michel Sapin. Si beaucoup de niches étaient donc appelées à disparaître, permettant d'accroître le rendement global du total impôt sur le revenu-CSG - « ce n'est pas l'objectif, mais la suppression des niches le permettra », souligne Michel Sapin », de nombreux avantages fiscaux survivraient, à l'issue d'un combat parlementaire que l'on imagine sans merci. Alors que la CSG avait pour avantage de ne prévoir aucune dérogation, elle en serait donc assortie. De quoi alimenter les critiques de certains économistes : « C'est une erreur totale, on va affaiblir et pourrir la CSG en y introduisant des niches fiscales », juge ainsi Christian Saint-Étienne. On peut parier sans grand risque que le sujet défraiera la chronique pendant encore de longues années...L'analyse
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