Jean-PAUL Dumortier, bâtisseur au service de l'intérêt général

La promotion Guernica de l'ENA a donné davantage de chefs d'entreprise et de grands commis de l'État que d'hommes politiques, constate, amusé, Jean-Paul Dumortier qui ne voit guère que Gilles Carrez, parmi ses compagnons de 1976, à s'être frotté au scrutin des électeurs. À ses côtés, on retrouve plutôt Serge Weinberg (Weinberg Capital Partners), Jean-Charles Naouri (Casino), pour les patrons ou Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, et Jean Lemierre, président de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd), pour les serviteurs de l'État. Entre ces deux mondes, le président de la Foncière Paris France France (FPF) a emprunté un itinéraire professionnel qui l'a conduit tardivement à passer du service public au monde des affaires. Après vingt-huit ans à la Caisse des dépôts, d'abord assureur, puis banquier et, lors des quinze dernières années, responsable des investissements immobiliers de la Caisse, il devient maître de son destin en créant sa société foncière en 2005. Ce changement de statut n'entamera pas ce que Stéphane Peu, adjoint au maire de Saint-Denis en charge de l'urbanisme, distingue comme « un indéfectible souci de l'intérêt général ». Les deux hommes se voient régulièrement depuis le début de la décennie 1990, quand Robert Lion, le patron de la Caisse des dépôts, confie à Jean-Paul Dumortier la direction des investissements et des gestions d'actifs immobiliers, puis la direction générale des Entrepôts et magasins généraux de Paris (EMGP). L'essentiel de ce patrimoine historique et obsolète se situe aux confins de Paris et de la Plaine Saint-Denis qui peut alors se prévaloir du titre ? assez lourd à porter ? de plus grande friche industrielle de France voire d'Europe (700 hectares). Lorsque le nouveau patron des EMGP prend les rênes du projet de restructuration que lui confie Robert Lion, l'énarque et les élus des collectivités locales ne resteront pas longtemps à se regarder en chiens de faïence. La nécessité de travailler ensemble s'impose sur ce quartier mal relié au reste de l'agglomération, véritable « ville dans la ville » Les édiles de Saint-Denis et d'Aubervilliers, les deux communes à se partager la Plaine, sont déjà en rupture avec le conseil général de la Seine-Saint-Denis, trop longtemps arc-bouté sur la défense de l'emploi industriel que la direction de l'aménagement du territoire (Datar) a pourtant condamné, dès les années 1960, en région parisienne. Le « patriotisme de territoire » de ces élus municipaux communistes les avait préparés au partenariat avec des acteurs du privé. Mais il leur fallait encore un « passeur » qu'ils ont trouvé avec Dumortier. Dans le droit fil de la vision de la Caisse, alliée naturelle des collectivités locales, celui-ci va s'investir à fond dans la naissance de ce tissu urbain dont il détecte rapidement le potentiel. Il comprend vite tous les espoirs mis dans ce territoire frappé, à coups de fermetures de sites, par trente ans de récession qui n'ont laissé derrière eux que des cathédrales de briques et des friches industrielles, savonneries, usines de gaz et dépôts sidérurgiques, effondrés comme des châteaux de cartes. Aux EMGP, il saura notamment transformer l'essai marqué par l'arrivée des studios d'AB Production au début des années 1990, en développant le pôle audiovisuel. « La création audiovisuelle comme la mode à Aubervilliers sont des industries qui ont besoin de sentir une société en mouvement », relève notre homme, qui affirme que seule cette banlieue jeune et métissée peut leur apporter cet air neuf. Juste retour des choses?: cette industrie répond, elle, aux voeux des élus de déployer des activités adaptées au pôle d'emploi dyonisien.? Demain : entretien avec Jean-Martin Herbecq, fondateur de l'éco-réserve marocaine Terres d'Amanar.
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