Taxation des Plus-Values : le diner des douze "Pigeons"

La réconciliation aura été de courte durée. Reçus depuis la fin de la semaine dernière par les ministres en charge de la fiscalité à Bercy (Pierre Moscovici, Jérôme Cahuzac et Fleur Pellerin), les représentants du mouvement des Pigeons peinent à trouver un accord avec le gouvernement sur un dispositif pour corriger les effets de la nouvelle taxation des plus-values de cessions sur action. Celle-ci a été quasiment doublée, dans certains cas, de 39,5% à 64,5% maximum en raison de l\'alignement de la fiscalité du travail et du capital, qui conduit à supprimer le prélèvement forfaitaire libératoire à 19% et à appliquer le barème de l\'IR (+ les prélèvements sociaux).Le gouvernement a reconnu avec Jérôme Cahuzac, le ministre du budget, avoir fait une \"erreur\" dans la gestion de ce dossier. Il s\'efforce depuis de corriger le dispositif : après avoir envisagé d\'en exonérer les \"créateurs\" d\'entreprise, notion juridiquement contestable, tous les actionnaires détenteurs d\'une part « significative » du capital devraient pouvoir conserver le régime actuel de taxation des plus-values à 19 %. Les autres bénéficieront d\'abattements en fonction de la durée de détention. Mais cet ajustement ne semble pas suffire aux patrons-pigeons qui réclament l\'abandon du projet, ce qui reviendrait, s\'agissant des Plus-Values, à revenir sur la promesse de François Hollande d\'aligner la taxation du travail et du capital. Le ton a brusquement monté hier soir avec l\'envoi au gouvernement d\'une missive particulièrement solennelle signée par les présidents de douze associations patronales. La CGPME, présente à la réunion, n\'a pas voulu signer, car elle demandait de trop nombreux changements au texte. Mais elle pourrait rejoindre le front patronal. La CGPME et l\'UPA ont déjà fait connaître leur opposition à certaines des mesures des budgets de l\'Etat et de la Sécurité sociale, qui ont la main très lourde sur les charges des indépendants notamment.Intitulée \"Etat d\'urgence entrepreneurial\", le communiqué patronal demande au gouvernement de \"retirer le nouveau dispositif de taxation des plus-values\". Il a été écrit à l\'issue d\'une réunion qualifiée d\'\"exceptionnelle\" organisée hier soir entre \"les représentants de toutes les entreprises, TPE-PME, start-ups, ETI, investisseurs et grandes entreprises. Selon les signataires, le dispositif prévu dans la loi de finances 2013 \"affecterait lourdement la stratégie de croissance des entreprises\" et \"léserait durablement l\'économie française\". Le communiqué juge que \"les aménagements envisagés en matière de seuil et de durée de détention (des actions) ne remettent pas fondamentalement en cause les principes de l\'article 6 du PLF et conduisent à une impasse compte tenu de la diversité des situations des entreprises\".Menace sur la négociation socialeLe tout est signé de Laurence Parisot, présidente du Medef, Pierre Pringuet, président de l\'Afep (association française des entreprises privées, une sorte de club du CAC 40), un dirigeant du groupe Pernod-Ricard choisi parce qu\'il plutôt proche de la gauche rocardienne, Louis Godron, le président de l\'AFIC (capital-risque), Olivier Duha, le président de Croissance Plus, Robert Leblanc, président d\'EDC, Sophie de Menthon, présidente d\'Ethic, André Choulika, président de France Biotech, Marie Ekeland, co-présidente de France Digitale, Jean-Luc Placet, président de la fédération Syntec, Jean-David Chamboredon, porte-parole du mouvement #geonpi (et auteur de l\'article publié dans latribune.fr qui a donné naissance à la révolte des pigeons), Jean Rognetta, président de PME Finance, David Pouyanne, président du Réseau Entreprendre : tous ces présidents affirment solennellement que ces dispositions \"prises sans concertation, auraient des conséquences très néfastes en terme des développement économique, d\'investissement et d\'emploi\". Un avertissement au ton exceptionnel, qui intervient en plein état d\'urgence sur la situation économique du pays, avec une croissance zéro en 2012 et 2013, selon les dernières prévisions du FMI, et qui vise à interpeller le gouvernement et le parlement au moment où celui-ci met la dernière main aux amendements au projet de loi de Finance 2013.Bref, les pigeons n\'ont pas fini de voler et le mouvement est en train de tourner à la rebellion ouverte et officielle de l\'ensemble du mouvement patronal. \"Nous voulons la suppressions du texte... Les concessions portent en elle encore tous les effets pervers\", indique-t-on au Medef. Il faut dire que l\'extrème complexité et l\'illisibilité du dispositif du gouvernement ne plaide pas en sa faveur, comme le montrent cette série de graphique repris dans cette analyse, certes à charge, sur le blog Emploi 2017 et qui moque non sans humour la créativité fiscale des hauts fonctionnaires de catégorie A. Ce bras de fer entre les patrons et Bercy est une sacré épine dans le pied de François Hollande, et qui risque de provoquer un blocage des négociations sociales en cours sur le marché du travail.  La poursuite du conflit entre les entrepreneurs du net qui se disent traités comme des \"Pigeons\" et le gouvernement tombe aussi très mal au moment où celui-ci tente de défendre avec Fleur Pellerin son grand plan de développement du numérique et de l\'économie internet.
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