Jean-François Roubaud (CGPME) : "Le gouvernement donne des coups d'épée dans l'eau"

LA TRIBUNE - Selon les économistes, l\'année 2013 ne se présente pas sous les meilleurs auspices. Dans quel état d\'esprit sont les dirigeants de PME?JEAN-FRANÇOIS ROUBAUD - Comme le précise notre récente enquête réalisée avec le cabinet KPMG, l\'inquiétude est de mise puisque 88% des chefs d\'entreprise interrogés ont perdu confiance dans la capacité de rebond de l\'économie française. Les carnets de commandes se sont énormément réduits au cours des derniers trimestres, tout particulièrement pour les entreprises qui ont l\'État et les collectivités locales comme clients principaux. La rigueur et la crise font des ravages. Résultat, l\'horizon est quasi bouché. Dans ce contexte, le gouvernement se doit de rassurer les chefs d\'entreprise.Comment? Leurs relations ne semblent pas très bonnes...Le début du quinquennat a été compliqué. La CGPME a beaucoup regimbé contre la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires, le coup de pouce au Smic, le retour de l\'âge légal de la retraite à 60 ans, l\'alourdissement de la fiscalité. Et que dire de la taxation des revenus à 75%, qui est une idiotie? Elle est supprimée... puis elle réapparaît! Il n\'y a qu\'en France qu\'être riche pose problème. C\'est plutôt l\'augmentation de la pauvreté qui me choque. Mais, aujourd\'hui, il est vrai, le gouvernement semble avoir compris qu\'il ne pouvait pas se passer de nous pour sortir l\'économie de la crise.Pourtant, le gouvernement a pris des mesures comme le crédit d\'impôt pour la compétitivité et l\'emploi (CICE), la création de la Banque publique d\'investissement (BPI), la création d\'un fonds doté de 500 millions d\'euros de garantie pour les TPE et les PME...Les bonnes volontés sont là, c\'est indéniable. Mais que ces initiatives prennent du temps à être mises en place! Et des incertitudes importantes demeurent. Ainsi, le crédit d\'impôt pour la compétitivité et l\'emploi [CICE, ndlr] sera-t-il conditionné? Que fera exactement la Banque publique d\'investissement [BPI]? Quand les chargés d\'affaires des banques seront-ils informés de la création du fonds doté de 500 millions d\'euros de garantie pour les TPE et les PME? À toutes ces questions, je n\'ai pas de réponses claires et les chefs d\'entreprise non plus. Donc, pour l\'instant, ce sont autant de coups d\'épée dans l\'eau.Que pensez-vous des récents accords sur la sécurisation de l\'emploi?Même si le texte est imparfait, la CGPME a ratifié l\'Accord national interprofessionnel sur la sécurisation du marché du travail, car c\'est un premier pas sur la voie de la flexisécurité que nous appelons depuis longtemps de nos vœux. Toutefois, je reste prudent. Il faut que ce texte ne soit pas modifié lors de son examen par le Parlement. Sinon, la CGPME retirera sa signature.La Cour des comptes recommande de revenir sur l\'indemnisation chômage des cadres. Est-ce justifié?Ce ne sont pas les cadres qui plombent les comptes de l\'Unedic que je sache. Si le gouvernement devait opter pour cette solution hasardeuse, il prendrait le risque de casser le modèle social français. Si la redistribution des 600 cadres allocataires [qui touchent l\'indemnité maximale de plus de 6000 euros par mois] devait être modifiée, les cotisations devraient l\'être également. Si l\'exécutif veut réellement équilibrer les comptes de l\'assurance-chômage, en attendant que la croissance revienne, il ferait peut-être bien de se pencher sur le revenu de solidarité active [RSA] qui est illimité dans le temps, sans contrepartie. Il peut aussi réfléchir au régime des intermittents du spectacle qui est probablement le plus généreux du monde.La comparaison systématique entre les économies française et allemande vous paraît-elle justifiée?Elle m\'agace surtout. Les gouvernements veulent que la France ait autant d\'entreprises de taille intermédiaire [ETI] capables d\'embaucher, d\'innover et d\'exporter qu\'en Allemagne? C\'est actuellement impossible. Il y a trop de contraintes. Si la France compte 4600 ETI et l\'Allemagne plus de 12000, ce n\'est pas le fruit du hasard. En France, nous faisons beaucoup de discours sur la question. En Allemagne, il n\'y a plus de sujet depuis des décennies. En France, nous passons notre temps à enrichir notre réglementation, à affiner les normes, à multiplier les seuils sociaux et financiers. En Allemagne, la stratégie de groupe qui peut entraîner le pillage des PME est empêchée par la loi, les banques régionales accompagnent très vite les PME en croissance en devenant leur actionnaire, les rapports entre PME et grands groupes sont bien plus sains... Le chemin est long de la parole aux actes en France. Je le déplore.Qu\'espérez-vous des Assises de l\'entrepreneuriat récemment lancées par Fleur Pellerin, la ministre des PME?Si l\'on veut les faire grandir, il faut que l\'environnement des entreprises soit stable et simplifié. J\'espère aussi que les conclusions du groupe de travail sur la diffusion de l\'esprit d\'entreprendre dirigé par Philippe Hayat, le fondateur de l\'association « 100.000 entrepreneurs », seront reprises. Il faut redorer l\'image de l\'entreprise et de son dirigeant auprès des plus jeunes si l\'on veut que la France redevienne un grand pays d\'entrepreneurs. Jean Jaurès disait qu\'un entrepreneur est celui qui prend des risques que les autres n\'osent pas prendre. Il faut donc respecter ce courage.Vous trouvez vraiment que l\'image de l\'entrepreneur n\'est pas bonne aujourd\'hui?Pourtant, les créations d\'entreprises sont très dynamiques...Certes, mais que fait aujourd\'hui un chef d\'entreprise qui réussit? Dans la plupart des cas, il vend spontanément son entreprise ou il se laisse racheter. Il peut aussi créer une autre entreprise pour ne pas se compliquer la vie. C\'est regrettable.
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