Chez les militaires, les effectifs chutent... et la masse salariale augmente

Cela pourrait être un gag. Malheureusement... La Cour des comptes, dans son bilan à mi-parcours de la loi de programmation militaire (LPM) qu\'elle a présenté ce mercredi, a révélé un dysfonctionnement majeur du ministère de la Défense. \"Le pilotage des réformes, en particulier, celui de la maîtrise de la masse salariale, a été insuffisant\", a dévoilé le premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud. Pour le moins. Car le ministère de la Défense attendait de la réduction de 23.000 emplois une économie nette cumulée de 1,1 milliard d\'euros sur la période 2009-2011. Sur la période 2008-2015, le ministère s\'est engagé à supprimer au total 54.000 emplois sur les 322.000 emplois recensés en 2007 (hors gendarmerie, soit 17 % des effectifs).\"Alors même que cet objectif de suppression d\'emplois a été tenu, soit 7 % des effectifs du ministère, la masse salariale a progressé de 1 milliard d\'euros\", constate le premier président de la Cour des comptes, qui estime qu\'une \"telle dynamique conduit à douter de la réalisation effective des économies annoncées et de leur affectation au profit de l\'équipement des forces\". Et de souligner que cela \"traduit l\'imprécision des outils financiers pourtant nécessaires à la conduite des réformes\". D\'une façon générale, le rapport juge que \"le ministère connaissait des difficultés importantes pour mesurer l\'impact financier des réformes\".Hausse de l\'encadrementQu\'est-ce qui s\'est passé ? Pour les sages de la Cour des comptes, il existe deux raisons principales : une hausse du taux d\'encadrement et une salve de revalorisation des soldes. Du coup, les économies de la masse salariale, diminuées des coûts d\'accompagnement des restructurations pour le personnel, sont estimées à un montant net cumulé de 5,4 milliards d\'euros sur la période 2008-2015, dont 1,1 milliard d\'euros avant la fin 2011. Ces chiffres sont \"très estimatifs\", regrette la Cour des comptes. \"Leur comparaison avec les données d\'exécution budgétaire qui montrent une augmentation de 1,02 milliard d\'euros des dépenses de titre 2 (dépenses de fonctionnement, notamment des salaires) entre 2008 et 2011 ne peut inciter qu\'à la prudence quant à leur fiabilité\", estime-t-elle.Les économies sur la masse salariale ont été obérées par un renforcement de la part de l\'encadrement dans les effectifs aussi bien civils que militaires depuis 2008, passant de 14,59 % en 2008 à 15,90 % en 2011. \"La répartition des effectifs du ministère de la Défense traduit un taux d\'encadrement élevé avec un officier pour six sous-officiers et militaires du rang et un cadre A pour huit agents de catégorie B et C\", explique le rapport. A titre de comparaison, ce taux est bien plus élevé qu\'au sein du ministère de l\'Intérieur, qui compte un officier de gendarmerie pour 14 gendarmes et volontaires, et un haut fonctionnaire pour 11 agents civils. En outre, la Cour des comptes estime qu\'une diminution de 7 % des effectifs du taux d\'encadrement (à partir des effectifs de 2008) aurait permis d\'économiser 120 millions pour les officiers (soit 1.804 en moins) et 116 millions pour les personnels civils (2.033 en moins). Soit un total une économie totale de 236 millions d\'euros. Ce que conteste le ministre de la Défense, Jean-Yves le Drian, dans sa réponse à la Cour des comptes. \"Cette dernière évaluation est excessive. Le ministère de la Défense et la direction du budget ont valorisé conjointement le coût de cet \"effet structure\" à 31 millions d\'euros par an, soit 124 millions d\'euros sur la période 2008-2011\".Trop d\'officiers générauxAu total, les effectifs de cette catégorie de personnels ont augmenté \"de façon très importante depuis 2008 avec une progression de 1.438 emplois pour les civils de catégorie A, une augmentation de 122 emplois pour les officiers supérieurs et une diminution de seulement six emplois pour les officiers généraux (664 en 2011, contre 670 en 2008)\". Ces évolutions sont intervenues dans un ministère qui a supprimé plus de 29.000 emplois depuis 2007. La Cour des comptes constate que le nombre d\'officiers généraux paraît \"important au regard des réductions des capacités des armées effectuées depuis une vingtaine d\'année, conduisant à employer un nombre croissant d\'entre eux hors de leur armée et de leur service d\'origine\".Ainsi pour les grades de colonels et équivalents, il y a 3.468 emplois en 2011 pour un nombre de commandements dans les forces limité à environ 150, constate le rapport. Ce qui risque d\'entraîner un emploi croissant de ces officiers dans les états-majors, les services, les structures administratives tout en diminuant les temps de commandement effectif. Et de conclure que ce renforcement du taux d\'encadrement \"peut conduire à l\'engorgement et à la bureaucratisation des administrations centrales et intermédiaires\".Une salve de revalorisations des soldesEn outre, la Cour des comptes a rappelé que l\'année 2011 a été marqué toute une série de revalorisation des soldes : achèvement de la mise en place de la nouvelle grille de rémunération des militaires débutée en 2009, qui concerne notamment les officiers supérieurs et assimilés ; achèvement triennal de revalorisation indiciaire (...) qui concerne notamment les sous-officiers en fin de carrière ; revalorisation des aides-soignants et des secrétaire médicaux et début de la mise en œuvre du plan triennal visant à permettre un accès plus large à la rémunération hors échelle B pour les colonels et équivalents.La Cour des comptes s\'étonne de ces mesures, estimant qu\'il est « paradoxal que ces mesures concernent principalement les populations au sein desquelles des départs volontaires sont espérés\". Le ministère de la Défense a dépensé entre 2009 et 2011  278 millions d\'euros enpécules et indemnités de départ pour les militaires, auxquels s\'ajoutent 143 millions d\'euros d\'indemnités de départ pour les personnels civils, sommes qui ont contribué à la croissance des dépenses \"hors socle\", c\'est-à-dire non récurrentes, dont notamment les différentes mesures d\'incitation au départ volontaire.
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