Yvon Gattaz ? : mon ami Maurice...

J'ai rencontré Maurice Allais à l'Académie des sciences morales et politiques où j'ai été élu en 1989, et lui-même un an après, en 1990, ce qui a créé entre nous une complicité, confortée ultérieurement par de nombreuses convergences de vues sur l'économie. Si Maurice Allais avait la réputation d'un tempérament bien trempé, hostile aux contradicteurs avec lesquels il n'hésitait pas à briser quelques lances, en revanche, il témoignait à ses amis une grande fidélité et j'en ai fait moi-même l'expérience. J'ai été son ami, et peut-être même son confident, car il me demandait souvent conseil pour ses petits différends, fréquemment arrangeables. Mais cet aspect un peu rugueux cachait de bons sentiments, un altruisme non feint, un secours aux plus défavorisés, un « tropisme social » comme on dirait aujourd'hui. D'ailleurs, il se définissait volontiers comme un socialiste et un libéral à la fois, socialiste par les finalités et libéral pour les moyens de les atteindre. Notre complicité provenait essentiellement du fait qu'il me considérait comme un représentant honorable de la microéconomie et que celle-ci était pour lui un complément et même un aboutissement factuel de la macroéconomie. Il rappelait sans cesse la rigueur de l'expérience et la confirmation des faits, loin des théories purement intellectuelles dangereuses. Une sorte d'association théorie-pratique telle qu'on la prône dans la formation en alternance, enfin reconnue jusqu'aux études supérieures. Maurice Allais avait écrit en 1999 un livre prophétique à propos de la crise de 1998 identique, disait-il, dans ses origines, à celle de 1929 qui l'avait beaucoup frappé au cours d'un voyage aux États-Unis entrepris après sa sortie de l'X. Ses amis et moi avons insisté auprès de lui pour qu'il mette ce livre à jour en 2009 avec la crise nouvelle, mais notre projet a échoué, malheureusement. Il aurait démontré que les causes de ces crises étaient restées identiques et que, si on ne les corrigeait pas, elles se reproduiraient dans l'avenir. Il dénonçait le « laisser-fairisme néolibéral », la spéculation financière abusive, et réclamait toujours pour l'Europe une « préférence communautaire » éventuellement dégressive dans le temps. Ses élèves ont fait preuve à l'égard de Maurice Allais d'une fidélité admirable et ont même fondé l'Airama, « Association internationale pour la reconnaissance des apports de Maurice Allais en physique et en économie », qui promeut avec ténacité les oeuvres de leur maître. Les apports de Maurice Allais en sciences physiques sont moins connus mais essentiels. À mon avis, Maurice Allais avait plus que du talent, du génie. (1) L'Asmep-ETI est le syndicat des entreprises de taille intermédiaire.
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