La Russie marque un nouveau point contre le gazoduc Nabucco

Dans la guerre feutrée mais lourde d'enjeux que se livrent l'Union européenne (UE) et la Russie pour contrôler les routes du gaz d'Asie centrale vers l'Europe, Moscou vient de marquer un nouveau point contre Bruxelles. Le Premier ministre russe Vladimir Poutine a indiqué ce week-end, aux côtés du président du Conseil italien Silvio Berlusconi, qu'une entreprise allemande, Wintershall, une filiale du géant de la chimie BASF, songeait à rejoindre le projet de gazoduc South Stream.C'est un nouveau coup dur pour Nabucco, le projet de gazoduc concurrent soutenu par l'UE et qui doit permettre d'acheminer du gaz d'Asie centrale en contournant la Russie. Mais les progrès rapides de South Stream, initié par Gazprom et appuyé par l'italien ENI, menace chaque jour un peu plus le projet. Gazprom et ENI se sont engagés au printemps 2010 à céder 10?% chacun de leurs parts dans le projet à EDF.L'arrivée d'une société allemande finirait de crédibiliser ce projet de plus de 25?milliards de dollars. Le russe Gazprom aurait proposé à Wintershall, son partenaire dans d'autres projets, de 10 à 20?% du gazoduc. Wintershall n'a pas confirmé mais ENI affirme que cette prise de participation est bien à l'étude.Coup de pied de l'âneL'entrée d'un partenaire allemand dans South Stream pourrait bien constituer le coup de pied de l'âne pour Nabucco qui convainc de moins en moins faute de réserve de gaz suffisante pour justifier sa construction. Pour une raison simple? : Gazprom a méthodiquement asséché les réserves de gaz d'Asie centrale en multipliant les contrats d'achat à long terme dans la région réduisant d'autant les volumes qui auraient pu transiter par Nabucco.L'ancien ministre des Affaires étrangères allemand Joschka Fischer, qui assure la promotion à haut niveau de Nabucco, dénonce les méthodes de Moscou. «?La partie russe s'applique, autant qu'elle peut, à torpiller le projet. Elle exerce des pressions sur des fournisseurs éventuels tels que le Turkménistan, ou achète du gaz à l'Azerbaïdjan?», expliquait-il récemment.Selon le directeur du projet Nabucco Reinhard Mitschek, « les premières livraisons de gaz azerbaïdjanais et irakien devraient avoir lieu avant la fin de 2015?». Pierre Noël, chercheur à Cambridge University est très dubitatif. «?En annonçant la construction de ce gazoduc avant même d'avoir sécurisé des réserves de gaz, Bruxelles a tué le projet, explique ce spécialiste des questions énergétiques. Personne n'est en mesure de signer un contrat gazier à l'est de la Turquie qui permettrait de lever de l'argent nécessaire au financement du projet.?»La philosophie même du projet - réduire la dépendance de l'Europe au gaz russe - semble elle-même compromise. De nombreux projets - notamment dans le domaine du gaz liquéfié - ont sensiblement réduit la dépendance de l'Europe à l'égard du gaz russe. Le poids du gaz russe dans les importations de gaz de l'UE à 27 est passé de 90?% en 1970 à 35?% aujourd'hui.
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