Quand l'Amérique profonde défend Toyota

Viendra ? Viendra pas ? Le doute restait entier, vendredi, sur une éventuelle venue à Washington d'Akyo Toyoda, le PDG de Toyota, prié de venir s'expliquer devant le Congrès américain sur les défauts constatés sur certaines de ses voitures. L'affaire, qui a entraîné le rappel de 8,67 millions de véhicules dans le monde, fait grand bruit aux États-Unis, où la NHTSA, l'autorité chargée de la sécurité routière, déplore la lenteur de réaction du constructeur automobile japonais, alors que dix-neuf personnes sont décédées dans des accidents mettant en cause un accélérateur défectueux. Le ministre des Transports, Ray LaHood, a vivement mis en garde les possesseurs de Toyota. Et le président Obama a rappelé aux constructeurs, dans une interview au magazine « Bloomberg Business Week » parue vendredi, qu'ils ont « une obligation de réagir rapidement et résolument dès que les problèmes sont identifiés ». Dans ce déluge de critiques, quelques petites voix s'élèvent toutefois pour tenter de calmer le jeu. En jouant sur plusieurs registres.Un constructeur très implanté aux États-Unis« En attaquant Toyota, c'est l'emploi américain que vous fragilisez » : tel est, en substance, le message adressé au Congrès par les gouverneurs de quatre États abritant des sites Toyota : l'Indiana, le Kentucky, le Mississippi et l'Alabama. Et de rappeler que le groupe japonais a investi plus de 17 milliards de dollars aux États-Unis, qu'il y a construit sept usines, qu'il y emploie 35.000 personnes (un chiffre qui monte même à 172.000 si on ajoute les salariés de ses quelque 1.400 concessions à travers le pays). Enfin, Toyota n'a pas supprimé d'emploi après le fléchissement de ses ventes, ni brandi la menace de le faire. Ces gouverneurs s'inquiètent donc des « déclarations troublantes » et des « mesures hâtives » prises par les autorités.Un État juge et partieLe gouvernement, très prompt à dresser l'opinion publique contre Toyota, est en plein conflit d'intérêts dans cette affaire, font aussi valoir ces quatre gouverneurs. N'est-il pas actionnaire majoritaire, depuis l'été dernier, de General Motors et de Chrysler, deux des grands rivaux du japonais sur le marché américain ? L'État a dépensé des dizaines de milliards de dollars pour secourir ces deux groupes en faillite et il a pris plus de 60 % de leur capital. Tout ce qui est bon pour GM ou Chrysler, désormais, est donc bon pour Washington. Dès l'annonce des rappels, GM s'est d'ailleurs empressé, tout comme Ford, de proposer des promotions sur ses propres modèles pour séduire une partie des clients de Toyota déboussolés. Bref, la gestion de cette affaire n'est pas dénuée de quelques soupçons protectionnistes.Une tradition de fiabilitéLes cabinets spécialisés dans les études sur la fiabilité des marques automobiles sont un peu venus au secours de Toyota ces derniers jours. Ainsi, Edmunds.com a précisé que, depuis 2001, sur l'ensemble des plaintes recensées sur le site de la NHTSA, 9,1 % concernaient Toyota, alors que ses ventes sur la période représentaient 13,5 % du marché total. Par comparaison, Ford a cumulé 18,3 % des plaintes pour 17,6 % des ventes. Toutefois, la revue « Consumer Report » fait valoir que la part des plaintes concernant Toyota est passée à 40 % en 2008, puis à 90 % en 2009. Preuve qu'un vilain grain de sable est bien venu enrayer une longue tradition de qualité. Mais Barack Obama lui-même s'est dit confiant dans la capacité du japonais à « rester un constructeur extraordinaire malgré ce pépin ».Des rabais et des prêts à la pelleQuant à Toyota, outre l'organisation de ce gigantesque rappel, la promesse d'une transparence totale et les excuses de son PDG, il ne peut qu'attendre la fin de la tempête. Et tenter de reconquérir ses clients avec des prix et des prêts attractifs. « Est-ce le bon moment pour acheter une Toyota ? », titrait ainsi jeudi le « New York Times ». Et le quotidien de détailler les promotions offertes par le constructeur japonais : des rabais de 1.000 à 1.500 dollars sur une douzaine de modèles, des prêts à taux zéro sur soixante mois... visiblement, c'est le moment de faire des affaires. Sauf que, poursuit le journal, mieux vaut ne pas avoir l'intention de revendre très vite sa Toyota toute neuve. Car les rappels ont aussi fait plonger la cote des modèles d'occasion !
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