Comment le Brésil a cédé face aux transgéniques argentins

« Je suis totalement contre l'autorisation des OGM. Un gouvernement qui accepterait se serait simplement fait prendre au piège du lobbying des multinationales », déclarait le candidat Luiz Ignacio Lula da Silva, en 2002. Pourtant, en mars 2005, le même Lula promulgait, en sa qualité de président, la loi qui venait d'être adoptée par le Congrès autorisant la culture d'OGM ... Que s'est-il passé entre ces deux dates pour que l'interdiction de fait vole en éclat  ? Elle remontait à 1998, date d'une demande d'autorisation de ses produits sur le territoire par la firme américaine Monsanto, productrice de semences génétiquement modifiées, et qui lui avait été refusée par la justice. L'agribusiness brésilien avait alors une stratégie qui se définissait ainsi : il s'agissait d'établir une réputation de producteur non-OGM, qui lui permettrait d'obtenir plus de débouchés, et à meilleurs prix, que les concurrents, États-Unis et Argentine, tous deux adeptes des transgéniques - honnis par l'Europe et le Japon. La ligne de défense n'a pas tenu longtemps. Au Sud, de l'autre côté de la frontière, les producteurs argentins dépensaient moins en pesticides et en engrais, et affichaient des prix très compétitifs... Le trafic s'est organisé à la frontière : les passeurs faisaient transiter des semences OGM, en particulier de soja, l'une des plus grosses récoltes du cône sud, et dont le Brésil est le premier producteur mondial, pour les vendre aux fermiers brésiliens.65 % du soja est transgénique Détecté dès la fin des années 1990, ce marché noir n'a cessé cependant de croître. Quant aux rapports selon lesquels les producteurs brésiliens devaient utiliser les semences génétiquement modifiées pour rester compétitifs, ils ont fleuri au ministère de l'agriculture. L'entourage de Lula maintenait toutefois sa position : contre les OGM, ou plutôt, contre une liberté totale de les utliser. Il fallait surveiller et contrôler ce type de produits. Les OGM ne cessaient, cependant, d'envahir les ports brésiliens, au sud, d'abord, puis un peu partout dans le pays. Au point que le gouvernement a dû accepter, en 2003, de surseoir - temporairement - à l'interdiction des OGM, afin de ne pas pénaliser les producteurs qui les avaient utilisé illégalement ! Selon les estimations, 10% environ de la récolte brésilienne de soja, à l'époque, s'était révélée OGM. La poussée s'est faite de plus en plus forte. Et il fallait encore et toujours surseoir à l'interdiction. Jusqu'à ce que l'autorisation soit votée en 2005. Les OGM se sont propagées comme une traînée de poudre : aujourd'hui, 65 % du soja brésilen est transgénique... Lysiane J. Baudu
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