En direct de la Croisette

« À chaque fois que je vais en Espagne, je m'arrange pour citer son nom en espérant qu'il m'appelle », avouait mercredi Benicio del Toro lors de la conférence de presse du jury du Festival de Cannes. C'est dire si le comédien est content de trouver à ses côtés le réalisateur espagnol Victor Erice qu'il admire tant. Ce sont d'ailleurs ces sentiments d'humour et de bonheur d'être ensemble qui dominaient. « La seule chose que j'ai demandée aux membres du jury, c'est d'éviter les préjugés et d'avoir de la compassion pour les films en compétition », expliquait le président Tim Burton. Il s'est également dit ravi de l'absence de films hollywoodiens. « Ça va me permettre de découvrir ce qui se fait ailleurs. » Burton a aussi rappelé son soutien au réalisateur iranien Jafar Panahi, invité à Cannes comme membre du jury alors qu'il est détenu de manière totalement arbitraire par les autorités de son pays. Pas un mot, par contre, sur Roman Polanski alors qu'on l'interrogeait sur le sujet. Le monde du cinéma américain refuse depuis le début de cette affaire de se mouiller. Publiquement du moins. Fallait-il ouvrir, hier, la compétition du Festival de Cannes avec « Tournée », le dernier film de Mathieu Amalric?? Pas si sûr. Certes, il y a quelque chose de très attachant ici, des scènes formidables mais il manque une intrigue suffisamment forte pour lier l'ensemble. Comme si le réalisateur avait ciselé avec soin les pièces d'un puzzle sans parvenir à les assembler.L'idée de départ ne manquait pourtant pas de piquant puisqu'il y est question d'un ancien producteur de télé qui tente de se refaire en produisant un show de strip-teaseuses américaines burlesque.Amalric filme à merveille, de manière quasi documentaire, la complicité de la troupe, évite les clichés en montrant des filles bien en chair, épanouies et respectées par leur patron, qui, lui, reste paumé du début à la fin du film. Reste à savoir où le réalisateur veut en venir. On se le demande encore.C'est un beau film qu'est venu soumettre au jury, hier soir, Xiaoshuai Wang (prix du jury à Cannes en 2003 pour « Shanghai Dreams »). « Chongqing Blues » déroule l'histoire d'un père de retour dans la ville de Chongqing après quatorze ans d'absence, pour en savoir plus sur la mort de son fils, abattu par un policier alors qu'il prenait en otage les clients d'un supermarché. Le réalisateur filme magnifiquement cette ville du Sichuan, au centre de la Chine, constamment plongée dans une brume bleutée. On retient aussi de cette oeuvre intimiste, un poil trop longue, la tendresse avec laquelle Xiaoshuai Wang approche ses personnages. À commencer par le père, étranglé par la tristesse, annihilé par la culpabilité d'avoir abandonné son fils. Il n'a pas fallu plus d'un extrait diffusé à la télévision pour que Sandro Bondi, le ministre italien de la Culture, appelle au boycott du Festival de Cannes. Dans sa ligne de mire?: le documentaire de Sabina Guzzanti, « Draquila-L'Italie qui tremble », présenté hier hors compétition. La satiriste anti-Berlusconi a enquêté sur les conséquences du tremblement de terre de L'Aquila en avril 2009. Ce qui lui a permis de mettre à jour la manière dont le président du Conseil italien s'est servi de cette tragédie pour redorer son blason, tout en offrant à ses amis promoteurs la possibilité de bénéficier de la reconstruction à leurs conditions. Pour raconter tout cela, Guzzanti empreinte à Michael Moore ses méthodes sans se mettre autant en scène que le documentariste américain. Elle mêle donc à ses interviews (quelque peu répétitives) images d'archives, photomontages ou extraits d'émissions de téléréalité. Au final, une enquête de fond mordante, passionnante et édifiante. Et la révélation d'un acteur comique, Berlusconi en personne, qui serait hilarant si la situation n'était pas aussi dramatique pour les 30.000 personnes évacuées de chez elles à la suite d'un séisme pourtant annoncé par une série de secousses les mois précédents.Yasmine Youssi, à Canne
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