L'Allemagne tiraillée entre immigration et déclin démographique

Décidément, l'immigration est le sujet le plus brûlant de la rentrée politique outre-Rhin. En début de semaine, ce sont les propos du ministre-président de Bavière Horst Seehofer, également chef de la CSU, soeur bavaroise de la CDU d'Angela Merkel, qui ont mis le feu aux poudres. Dans une interview à l'hebdomadaire Focus, il a déclaré que l'intégration des immigrés « en provenance d'autres milieux culturels comme la Turquie et les pays arabes se fait plus difficilement ». Avant de conclure que l'Allemagne « n'avait pas besoin d'immigration supplémentaire en provenance d'autres milieux culturels ». Le raz-de-marée attendu de réactions indignées venant de l'opposition de gauche n'a pas tardé. Alors que les néo-communistes de Die Linke réclamaient la démission de Horst Seehofer, le chef des Verts, Cem Özdemir, a lui fustigé le « populisme ». Mais les critiques sont aussi venus de la coalition gouvernementale et des milieux économiques. Car, comme l'a rappelé le ministre de l'intérieur CDU du Land de Basse-Saxe, Uwe Schünemann, l'Allemagne « a besoin de main-d'oeuvre qualifiée, peu importe de quel milieu culturel elle provient ». Il est vrai que le pays ne peut guère se permettre le luxe de choisir son immigration sur des critères culturels. Ce mercredi, le président de l'agence fédérale de l'emploi, Frank-Jürgen Weise, a mis en garde : « il se pourrait que la pénurie de main-d'oeuvre pénalise le développement économique autant que la crise financière l'a fait ». Les Länder de l'ex-RDA, très touchés par la dépopulation, ont ainsi pris le contre-pied de Horst Seehofer et annoncé une initiative au Bundesrat pour faciliter l'immigration des étrangers qualifiés. Les grands instituts économiques, comme l'IW de Cologne et le DIW de Berlin recommandent également la mise en place d'un système de points pour permettre une immigration correspondant aux besoins du pays. Un système défendu par les Verts et les Sociaux-démocrates, mais aussi par les Libéraux.PolémiqueReste que cette nouvelle polémique prouve que le climat autour de ces questions reste lourd. Le débat lancé cet été par l'ancien membre du directoire de la Bundesbank, Thilo Sarrazin, auteur d'un livre critique sur l'intégration, n'est guère retombé depuis et est régulièrement relancé. Ce mercredi, le très libéral FDP proposait ainsi d'obliger l'usage de la langue allemande dans les cours d'école. En fait, la coalition d'Angela Merkel redoute d'être débordée sur sa droite. Un sondage publié hier révélait que près de 60 % des personnes interrogées se déclaraient ainsi favorables à la limitation de l'exercice du culte musulman en Allemagne et 25 % d'entre eux réclament un « parti fort incarnant la communauté nationale ». En séduisant cette frange de la population, Horst Seehofer tente de la maintenir dans l'électorat conservateur et veut ainsi éviter l'émergence d'une formation populiste xénophobe à l'autrichienne. On comprend alors mieux la prudence d'Angela Merkel qui ne s'est pas désolidarisée ouvertement de son allié bavarois. Il lui faudra pourtant choisir in fine entre le calcul politique et les réalités économiques. n
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