Le CAC 40, un vrai petit paradis fiscal

Pour les grandes entreprises, l'impôt est devenu un centre de profit comme les autres. Gianmarco Monsellato, managing partner de Taj, l'un des principaux cabinets d'optimisation fiscale en France, ne dit pas autre chose. « Trois facteurs influent significativement sur la rentabilité d'une entreprise : sa rentabilité opérationnelle, son résultat financier et son taux effectif d'imposition. Dans un monde de crédit rare et cher, le taux d'imposition effectif devient le facteur non opérationnel doté du plus fort impact sur le financement de l'entreprise et sur sa capacité de distribuer des dividendes. »Le dernier rapport du Conseil des prélèvements obligatoires apporte une démonstration éclatante de la capacité des grands groupes à faire fondre leur base imposable. Les entreprises du CAC 40 payent en moyenne 2,3 fois moins d'impôts sur les bénéfices que les petites et moyennes entreprises. Quand une PME paye 100 euros d'impôts sur les bénéfices, une entreprise du CAC 40 n'y consacre que 43 euros pour des bénéfices similaires. Une inégalité de traitement liée aux formidables opportunités d'optimisation fiscale offertes par les paradis fiscaux, mais aussi par les nombreux régimes dérogatoires de la fiscalité française.Pour en prendre la mesure, le Conseil des prélèvements obligatoires a rapporté les recettes de l'impôt sur les sociétés, établies à partir de la centrale des bilans, à l'excédent net d'exploitation (ENE) des entreprises. « L'ENE est un indicateur très suivi des investisseurs car il permet d'apprécier la rentabilité d'une entreprise et sa capacité à dégager des dividendes », explique Vincent Drezet, secrétaire national du Syndicat national unifié des impôts (SNUI).Le taux implicite d'imposition (impôt sur les bénéfices effectivement payé rapporté à l'ENE) varie d'un à quatre selon la taille des entreprises. Alors qu'il atteint 30 % pour les entreprises de moins de 9 salariés, il tombe à 20 % pour les entreprises de moins de 500 salariés, à 13 % pour les entreprises de plus de 2.000 salariés et seulement 8 % pour les entreprises du CAC 40 !« Cette déconnexion entre la capacité contributive et le niveau d'imposition s'illustre également par l'analyse du poids de chaque catégorie d'entreprises dans la facture fiscale et dans l'ENE global », souligne le Conseil des prélèvements obligatoires. Ainsi, si les groupes du CAC 40 réalisent à eux seuls 30 % des marges des entreprises françaises, ils n'acquittent que 13 % de l'IS. Les PME de moins de 250 salariés réalisent 17 % des bénéfices, mais elles acquittent 21 % de l'IS français.1.500 filiales offshoreAvant la crise, l'État levait les bonnes années jusqu'à 50 milliards d'euros d'impôt sur les bénéfices (il devrait tomber autour de 19 milliards cette année). Si les entreprises du CAC 40 acquittaient l'impôt à l'aune de leur capacité contributive, autrement dit comme les PME, elles paieraient 15 milliards d'euros d'impôt sur les bénéfices au lieu des 6,5 milliards effectivement acquittés. L'optimisation fiscale des seules entreprises du CAC 40 coûte donc à l'État plus de 8 milliards d'euros par an. Et contribue à créer entre petites et grandes entreprises une incroyable inégalité devant l'impôt. Comme l'explique Vincent Drezet, « l'accès à la défiscalisation, pour les entreprises comme les particuliers, est réservé aux gros contribuables ».Comme l'a révélé une enquête d'« Alternatives Économiques », ces fleurons de l'économie française ne possèdent pas moins de 1.500 filiales offshore des Bermudes à la Suisse, en passant par Malte, Panama ou Hong Kong. BNP Paribas possède plus de 189 antennes dans les paradis fiscaux, le Crédit Agricolegricole 115, le groupe de luxe LVMH 140, PPR 97, France Télécome;lécom 63, Lagardèrerave;re 55, Danone 47, EADS 46, Peugeot 39, Carrefour 32, Michelin 27, L'Oréal 22, Bouygues 18?L'implantation dans ces territoires à fiscalité (ultra) douce est l'une des techniques utilisées pour faire chuter le taux d'imposition des grandes entreprises dans des proportions spectaculaires. n
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