Le respect avant toute chose

Le conflit entre Pouvoir et Justice relève de notre folklore national mais les suites du drame de Pornic montrent que polémiquer sur le traitement des tueurs en série ou des criminels sexuels est très déstabilisateur pour l'institution judiciaire. On soutiendra ici que le respect est un meilleur point de départ et n'empêche pas d'examiner les problèmes.Faut-il, après chaque crime odieux, que la justice soit attaquée ou, ce qui revient au même, que les juges se sentent mis en cause de façon essentialiste ? Intrinsèquement, ils seraient coupés des réalités et irresponsables ; leurs ratés révéleraient de piètres gestionnaires. Un soupçon si naturel qu'il pourrait s'exprimer sans vérification préalable. L'enjeu n'étant pas, comme dans les autres polémiques, un problème abstrait (des peines trop légères, pas assez de moyens...) mais une tragédie, ces critiques trouvent facilement un écho. Ce qui frappe, c'est que la justice n'est précisément pas bâtie autour des valeurs qu'on lui reproche de négliger. L'isolement est le prix à payer pour l'indépendance ; appliquer les règles abstraites du droit aux cas individuels demande un engagement personnel intense qui, sans l'exclure, marginalise tout de même l'approche managériale. Le juge se sent mis au pilori au nom de valeurs qui ne sont pas les siennes, même, d'ailleurs, s'il les a respectées. Quant à l'opinion, elle oscille entre l'adhésion au discours critique et son habituelle solidarité envers manifestants et grévistes. Des irresponsables ou des fonctionnaires sympathiques en quête de considération : cette image double est malheureusement cohérente, et c'est celle d'une institution en train de perdre le respect qui lui est dû.Mais, au fait, pourquoi les juges, prétendument si peu gestionnaires et si peu responsables, sont-ils chargés de « manager » au quotidien les membres les plus dangereux de notre société ? Quel rapport avec le droit ? Le droit pénal contemporain est l'héritier de diverses doctrines : les peines dissuadent, rationnellement, les délinquants potentiels ; mais le principe d'individualisation et la volonté de réinsertion commandent des sanctions adaptées et évolutives, qui s'accompagnent d'un lourd appareil d'application des peines. Malheureusement, les tueurs en série et les criminels sexuels ne sont pas accessibles à la dissuasion rationnelle. Les techniques habituelles de réinsertion ne fonctionnent pas. Les théories scientifiques explicatives comme les méthodes de traitement sont encore dans l'enfance. Certes, depuis quelques années, des instruments nouveaux ont été conçus (rétention de sûreté, suivi sociojudiciaire) mais ils se sont ajoutés à l'arsenal existant et ne se sont pas accompagnés d'une doctrine juridique : le juge ne devrait-il pas avant tout autoriser puis contrôler le placement des personnes dangereuses dans un « statut » spécial, dont la gestion, ensuite, lui échapperait, plutôt que d'appliquer au quotidien ses deux instruments, l'échelle des peines et leur adaptation, à une réalité qui leur est rebelle ?C'est une solution parmi d'autres, l'essentiel étant d'illustrer une thèse : respecter la justice, c'est bon pour la démocratie et cela incite, en cas de problème, à se poser d'abord de bonnes questions : lui confie-t-on ce qu'elle sait faire ? A-t-on bien informé le juge ? Des fautes individuelles sont toujours possibles mais elles relèvent de la gestion interne de l'institution, sujet plus technique que politique.
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