« Il n'y a pas de malédiction haïtienne »

Elle arrive, en tailleur rouge coquelicot, collier des femmes de Gorée au cou, chaussures de neige encore aux pieds. Ce n'est pas à Montréal qu'elle débarque, mais à Paris, où elle est passée au siège de l'Unesco, dont elle est l'envoyée spéciale pour Haïti. Haïti, elle en revient. Elle y est née. Mais c'est au Québec qu'elle a grandi. C'est du français québécois qu'elle a emprunté certaines expressions qui émaillent aujourd'hui son vocabulaire. « Ce qui m'est spontanément venu en tête pour exprimer mon sentiment sur la situation constatée sur place, à Port-au-Prince, c'est : y'en aura pas d'facile ! », dit-elle en riant. « Y'en aura pas d'facile », prononcé en appuyant sur le « i », signifie : « Les choses ne vont pas être simples »...Tout le monde le sait, tout reste à faire sur l'île. Mais c'est surtout sur l'éducation, l'art et la culture, les femmes, la prévention de la délinquance et de la violence, que l'ancienne gouverneure générale du Canada veut travailler. Unesco oblige, mais pas seulement. Tout ce qui est culture et art la passionne, et en particulier les oeuvres inuites. « J'y vois de nombreuses correspondances avec l'art d'Haïti », explique-t-elle. C'est pour cela, d'ailleurs, qu'elle est « tombée en amour », il y a déjà longtemps, des populations du grand nord canadien.Mais revenons à Haïti, où les ONG fourmillent, dans l'anarchie générale. Comment faire pour mettre un peu d'ordre et offrir une meilleure efficacité aux multiples initiatives ? Sa solution est d'inclure les collectivités locales et de faire plus appel à la population. Afin qu'elle prenne en main son destin, au lieu d'être portraiturée, encore et toujours, comme « victime ». « Ces histoires de malédiction, du tremblement de terre aux ouragans en passant par la médiocrité du personnel politique, m'énervent au plus haut point », dit-elle. Car il existe des élites haïtiennes, bien formées et capables de travailler à la refonte du pays et à son développement économique, politique et démocratique. Certaines sont certes parties à l'étranger, au Canada, en France, aux États-Unis. Mais d'autres sont sur place. Et elles pourraient apporter leur savoir-faire, leur connaissance du terrain, de l'esprit haïtien, fait certes de résilience, mais aussi d'enthousiasme, de volonté, de génie et de créativité, afin d'aider ceux qui souhaitent, précisément, les aider. « Au point que certaines mesures dont les résultats sont étonnants, à base de participation artistique comme force de médiation, en particulier en ce qui concerne la lutte contre la délinquance et la violence, pourraient même être adoptées ailleurs qu'en Haïti », estime-t-elle. Lysiane J. Baudu
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.