Vendredi 1er octobre, 15 h 30, à bord du Falcon 7x présidentiel...

Depuis une demi-heure, le petit triréacteur jouait à saute-nuages. Calé dans son fauteuil, Nicolas Sarkozy gardait les yeux fermés. Tout d'abord pour échapper à la conversation sans intérêt dont le gratifiait Luc Chatel, qu'il aimait bien pourtant. Mais surtout parce que se réveillait sa vieille peur du ciel. Malgré le confort du Falcon 7X et l'expérience du pilote. Le vol du matin avait déjà été plutôt agité. Tout cela pour une visite de deux heures tout au plus dans un lycée agricole du Vaucluse, où il avait fallu écouter une dissertation sans fin sur la culture du melon. A la sortie de l'établissement, le chef de l'État avait appelé Claude Guéant. Les choses allaient leur cours à Paris. Dès son retour, Nicolas Sarkozy devait recevoir le Premier ministre. Sur la table en noyer dépliée devant lui, « Libération » proclamait venu le temps du « nettoyage par le vide ». « Le Figaro » croyait imminente la formation d' « un gouvernement  resserré à dix super-ministres ». Le sixième président de la Ve République sourit. Tous les leurres avaient fonctionné. Les moteurs Pratt & Whitney se mirent à ronronner plus fort tandis que l'avion entamait sa descente vers l'aéroport militaire de Villacoublay. Nicolas Sarkozy regarda machinalement Paris qui se déroulait à ses pieds, sous la couverture grise et cotonneuse. Quelques minutes plus tard, le Falcon roulait sans à-coup sur le tarmac de la base aérienne 107. Dans un quart d'heure, motards et sirènes aidant, le chef de l'État serait à l'Élysée. Où l'attendait le secrétaire général de la présidence. Claude Guéant était un personnage paradoxal. Discret en apparence, la voix douce, urbain et courtois jusqu'à l'extrême. Mais, l'oeil vif derrière ses lunettes en était un premier indice, ce haut fonctionnaire, qui avait juré une fidélité absolue à Nicolas Sarkozy, était animé d'une volonté de fer au service de l'ambition du chef de l'État. Ce vendredi, Claude Guéant savait que la partie qui s'engageait était sans doute la plus importante depuis qu'avait commencé l'aventure, lorsque Nicolas Sarkozy s'était emparé de l'UMP en 2004. La rupture n'avait été pour l'instant qu'un slogan, elle allait devenir réalité. Guéant, Louvrier et le PrésidentLe secrétaire général de l'Élysée se tourna vers Franck Louvrier, le « monsieur Communication » du président. Lui aussi d'un naturel calme et souriant. Comme si Nicolas Sarkozy aimait à s'entourer de ses contraires. Le succès de l'opération en cours dépendait principalement du petit nombre de personnes dans la confidence. Cela tombait bien. Ils n'étaient que trois. Guéant, Louvrier et le chef de l'État. Même Carla Bruni-Sarkozy avait été tenue à l'écart des préparatifs. Une sorte de vertige s'empara du secrétaire général de l'Élysée. Franck Louvrier, dont les doigts couraient sur le clavier de son Blackberry, releva la tête : « Je pense que le mieux, c'est un communiqué à l'AFP. Une heure avant l'allocution télévisée, ce sera bien suffisant. » La porte du bureau du secrétaire général de l'Élysée s'ouvrit sur un huissier, ce qui annonçait l'entrée du président. Nicolas Sarkozy salua ses collaborateurs d'une claque dans le dos pour Franck Louvrier et d'une poignée de main pour Claude Guéant. Avant de se laisser tomber sur un fauteuil de velours vert sombre. Une ride barrait son front. Claude Guéant écarta des parapheurs sur la table basse et indiqua que le chef du gouvernement était attendu au palais présidentiel dans le quart d'heure. Nicolas Sarkozy pianota un texto sur le petit Nokia argenté dont il ne se séparait pas. Puis il broya le bras de Franck Louvrier qui avait pris place à côté de lui. « Prêts pour le coup d'État ? » lança le chef de l'État. Et il éclata de rire.
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