Quand le pouvoir économique des femmes se renforce, les viol...

Quand le pouvoir économique des femmes se renforce, les violences contre elles diminuent »Recueilli par Lysiane J. Baudu à WashingtonQuelles sont vos priorités pour le nouveau poste que vous occupez auprès d'Hillary Clinton ?Ma fonction est inédite dans une administration américaine. Au sein du département d'État, mon rôle est de m'assurer que les « questions de femmes » sont bien intégrées dans les programmes et les politiques du Département. Que l'on travaille sur l'Afghanistan, sur des problèmes économiques au G8 et au G20, ou qu'il s'agisse des droits humains, nous ne pouvons atteindre nos objectifs si les femmes ne participent pas aux réflexions et aux solutions. D'ailleurs, j'ai tendance à penser que la référence aux « questions de femmes» n'est pas la bonne, puisqu'elle pourrait marginaliser cette notion, alors que, en fait, si nous obtenons des avancées dans le développement des femmes, de leurs droits humains et économiques, c'est la planète entière qui en profite. Quant au développement économique des femmes ? leur « empowerment » ? il est source de bien d'autres progrès. C'est le cas, notamment, de la violence contre elles. Rien ne peut progresser tant que les femmes sont réduites à un statut inférieur dans tant de sociétés. Ce fléau mondial pèse sur la santé économique des femmes et des pays. Les deux choses sont d'ailleurs inextricablement liées. Et les chiffres sont là : quand le pouvoir économique des femmes augmente, la violence contre elles diminue. Aussi, l'Afghanistan est l'une de nos priorités : les femmes ont un rôle déterminant à jouer dans la mise en place de la démocratie. Il n'y a donc pas une seule priorité, un seul projet qui nous tient à coeur au département d'État, mais plusieurs, et tous doivent avoir un impact positif.Pouvez-vous donner quelques exemples de questions de femmes ayant une influence directe sur la politique étrangère des États-Unis ?Avec la récente crise économique et financière, améliorer la productivité des terres agricoles a été reconnu comme essentiel : l'administration Obama a en conséquence décidé que la sécurité alimentaire était une priorité. Or il se trouve que, à travers le monde, ce sont en majorité les femmes qui cultivent un lopin de terre. Il nous faut donc aborder la politique agricole mondiale avec un prisme féminin. Les femmes doivent avoir accès à des formations, au crédit, de même qu'elles doivent comprendre le fonctionnement des marchés agricoles et y avoir accès. Et évidemment, la question de la propriété ou de l'accès à la terre doit être clarifiée en leur faveur. Cette dernière question est essentielle. Nous avons donc mis en place différentes initiatives en matière d'agriculture et de femmes, au Bangladesh, en Afrique et ailleurs. En ce qui concerne la santé mondiale, abordée au dernier G8, nos initiatives, en matière d'amélioration des systèmes de soins, sont elles aussi centrées sur les femmes. Nous nous inquiétons ainsi du manque de progrès en matière de lutte contre la mortalité maternelle, l'un des objectifs du Millénaire. En ce qui concerne le réchauffement climatique et les aléas qui en résultent, c'est sur les femmes dans les pays en développement que l'impact est le plus sévère, en raison notamment de leur rôle dans l'agriculture. Les femmes doivent donc être associées aux efforts. Elles ne peuvent réduire à elles seules les émissions de gaz à effet de serre, mais rien n'empêche de limiter les fours à bois, ce qui diminuerait les émissions. Nous travaillons donc en ce sens. En conclusion, l'administration Obama a mis sur pied trois initiatives majeures ? agriculture, santé et climat ? où les femmes sont au centre, dans le but d'obtenir de vrais progrès. Enfin, dans le cadre des Nations unies, nous insistons largement sur le fait que les femmes doivent faire partie des processus de paix, c'est vrai notamment en RDC, où la secrétaire d'État Hillary Clinton s'est rendue il y a quelques mois.Que pensez-vous de ce que l'on appelle, en France en particulier, le devoir d'ingérence ? La souveraineté des États est toujours mise en avant pour contrer cet argument. Mais comment rester à l'écart quand on voit les violations contre la dignité humaine? C'est pour cela qu'il faut utiliser les Nations unies pour, ensemble, trouver des parades, que ce soit à travers l'Otan en Bosnie ou dans d'autres circonstances. Je pense aussi que la violence envers les femmes n'est pas uniquement le fait de conflits ouverts. De nombreux crimes sont perpétrés sans conflit. Nous devons donc travailler sur le terrain avec des associations locales. En dehors des pays que vous venez de citer, où voyez-vous des problèmes criants pour les femmes ? À la lecture du dernier rapport du Forum économique mondial sur le fossé hommes-femmes, qui donne une note aux pays selon quatre critères ? santé, pouvoir politique, accès à l'éducation et participation économique ? les femmes sont égales aux hommes dans aucun pays, même les plus avancés. Dans ceux d'ex-Union soviétique, que je connais assez bien, les femmes ont toujours eu accès à l'éducation. Dans l'ancienne URSS, elles participaient largement au monde du travail, même si les postes étaient souvent subalternes, puisque considérés ? dans la médecine, par exemple ? comme des « métiers de femmes ». Même chose pour la participation politique. Sur le papier, elles étaient égales, alors que, comme vous le savez, les décisions étaient prises ailleurs. Aujourd'hui, et je reviens justement de Russie, les femmes n'y rencontrent pas le succès qu'elles devraient avoir, en matière de participation en politique, notamment. Certes, elles sont mieux placées dans les affaires, y compris à des niveaux élevés, ne serait-ce que parce qu'elles sont considérées comme moins susceptibles de corruption. Mais il n'en reste pas moins qu'il existe encore de nombreux problèmes, telle la discrimination : dans certains cas, les petites annonces spécifient même qu'une femme ne peut poser sa candidature ! En outre, la violence contre elles reste un problème grave, de même que le trafic humain. Enfin, je sens chez les femmes que je rencontre, à travers le monde, un vrai désir d'apprendre. « Comment pouvons-nous améliorer le sort des nouvelles générations ? », est une question récurrente. Il y a aussi un vrai désir d'apprendre des autres. Les réseaux et les enceintes de partage sont donc un élément essentiel pour l'avancement des femmes. Celles d'Europe de l'Est ont à cet égard réalisé de superbes avancées grâce à l'Union européenne, sans parler du nouvel institut européen pour les femmes, qui sera basé en Lituanie.Quelles leçons avez-vous tiré de votre expérience à Vital Voices, l'organisation que vous avez fondée pour les femmes, concernant les liens entre le secteur public et le privé ? Hillary Clinton a l'habitude de dire que, compte tenu des défis à relever, nous devons vraiment nous asseoir sur un trépied : le premier pied, c'est le gouvernement, puis vient le secteur privé, et le troisième, c'est la société civile, ONG, universités, instituts médicaux et autres. Chacun de ces « pieds » dispose d'une compétence particulière qu'il faut utiliser en tant que telle. C'est seulement ainsi que nous réussirons. Aujourd'hui, le secteur privé, ne serait-ce qu'en raison de la mondialisation, reconnaît que les femmes offrent un potentiel inédit, surtout si elles dirigent des petites et moyennes entreprises. Les PME croissent mieux si ce sont des femmes qui sont à leur tête et ce sont par ailleurs les PME qui créent le plus d'emplois. Il paraît donc clair qu'il faut investir dans les femmes, puisqu'elles sont créatrices de croissance, et éliminer les barrières qui les empêchent de réussir. Le manque de mentor, de crédit, d'influence, sont autant de handicaps qui doivent être éliminés par le secteur privé. À cet égard, nos ambassades, associées à Vital Voices et à des femmes des grandes entreprises de Fortune 500, offrent des mentors pour les entrepreneuses de certains pays. Pendant trois semaines, ces femmes reçoivent des conseils, des cours de comptabilité, de marketing. Et évidemment, le programme se poursuit entre mentor et bénéficiaire au fil des années. Mieux, ce système essaime : les femmes qui ont bénéficié de ces programmes lancent souvent des initiatives similaires pour servir elles-mêmes de mentor à de nouvelles recrues. L'effet multiplicateur de cet investissement est énorme. Et, une fois de plus, les statistiques le prouvent, il est plus élevé pour les femmes que pour les hommes ! Enfin, le secteur privé est essentiel pour des efforts d'alphabétisation, d'informations sur la santé, etc., via les téléphones portables par exemple. Ambassadeur des États-Unis pour les questions de femmesmelanne Vervee
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