Le luxe s'envole, les ateliers peinent

Louis Vuitton risque de manquer de sacs ou de foulards léopard pour combler ses fans avant Noël ! La figure de proue du luxe mondial ferme même une heure plus tôt ses magasins français depuis septembre pour ne pas se retrouver en rupture de stock avant le 25 décembre. Et ce ne sont pas les ventes record annoncées ce jeudi qui vont améliorer la situation. « Manque d'anticipation manifeste », persiflent en choeur les concurrents chez PPR (maison-mère de Gucci) ou Cartier. Le patron de Vuitton, Yves Carcelle, confie à « La Tribune » qu'il ne s'attendait pas à un tel succès en 2010, après une croissance des ventes déjà supérieure à 10 % en 2009.Mais il n'est pas le seul à être surpris. Gucci Group, Chanel, Cartier, Hermès ou Swatch ont tous fait face à un rebond des commandes au troisième trimestre. Après une année 2009 très calme, la baisse de l'euro par rapport aux principales monnaies (même si le mouvement s'est récemment renversé) a fait affluer vers l'Europe des touristes venus du Moyen-Orient, des États-Unis et surtout de Chine. Pas moins de 50 millions de visiteurs chinois sont attendus dans le monde en 2010, contre seulement 20 millions en 2003. « La contraction des achats des consommateurs occidentaux crée actuellement un effet loupe sur ceux venus de Chine », explique Joëlle de Montgolfier, spécialiste du luxe chez Bain & Company. D'autant que les Chinois ne regardent pas à la dépense. Selon Bain, 60 % d'entre eux achètent au moins un produit de luxe lorsqu'ils voyagent. En France, le luxe représente même 85 % de leurs dépenses. Aux Galeries Lafayette, qui n'hésitent pas à payer les tour-opérateurs pour un petit détour chez eux, les achats s'envolent. Et chez Harrods, à Londres, les dépenses des Chinois augmentent de 130 % entre 2009 et 2010.Au total, les nouveaux riches de l'empire du Milieu dépenseraient environ 8 milliards d'euros en produits de luxe chez eux et 20 milliards supplémentaires à l'étranger (où les taxes sont moins lourdes) et ils représentent 18 % d'un marché mondial estimé à 160 milliards par Bain. Leurs cadeaux fétiches : les produits iconiques comme le carré Hermès, la montre Oméga ou Longines, le sac Vuitton.Ce sont donc les plus grandes marques qui emportent la mise. Et qui, du coup, font travailler manufactures et sous-traitants au pas de charge. « Elles ont d'autant plus de mal à suivre le rythme qu'elles avaient considérablement réduit leurs investissements l'an dernier », indique un analyste qui préfère garder l'anonymat. Le président de Cartier annonce donc des croissances maximales en France et en Suisse. Gucci Group, lui, s'appuie sur ses quelque 500 petits ateliers italiens mais François-Henri Pinault explique à « La Tribune » que le goulot d'étranglement vient des commandes de matières premières, passées lorsque les prévisions étaient basses. Vuitton a embauché 300 artisans depuis six mois et il utilise au maximum les heures supplémentaires en attendant d'ouvrir un nouvel atelier dans la Drôme en mars.Ces problèmes de riches réjouissent au fond ces grandes griffes. À l'instar de Gucci, Chanel ou Vuitton, beaucoup en profitent pour augmenter leurs prix, entre 10 % et 20 % sur des produits ciblés. Et accélérent leur diversification en orientant les clients vers les lignes de lunettes ou de chaussures, moins recherchées. Même la publicité s'adapte. Chez Hermès, la dernière campagne pour les sacs ne vante plus l'intemporalité de la marque, comme en 2009, mais le dernier-né de la collection, le Jypsière 28, moins recherché que les grands classiques Birkin ou Kelly.
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